Voilà une bande dessinée que j'ai prise avec juste l'envie de passer un bon moment et de découvrir un auteur -qu'il me semble avoir déjà lu, mais impossible de m'en souvenir- et qui se révèle bien plus dense et profonde que ce que j'imaginais. C'est donc une heureuse surprise. D'abord les dessins sont très beaux, avec des couleurs assez vives, des orange et verts, même si les fonds souvent ocres les atténuent un peu. J'aime beaucoup, Cyril Bonin nous met dans l'ambiance années 60 tout de suite et c'est un vrai plaisir que de tourner les pages.
Ensuite, le fond est une réflexion ou des réflexions devrais-je écrire, sur le monde de l'art, sur la création :
"La nature se développe au petit bonheur la chance, au hasard... Elle tente des choses, essaie, se trompe, recommence... Alors qu'au contraire, au commencement de toute œuvre d'art, il y a une intention, une idée... un concept ! C'est vers cela qu'il faut aller... le concept !" (p.5)
"L'art n'est pas une représentation du monde, il est le monde ! Le bit de l'art, c'est l'art !" (p.6)
Qui décrète que l'on est artiste ? Comment éviter les étiquettes qui rétrécissent le travail ? L'art est-il un travail ? Bref, plein de questions auxquelles l'auteur n'apporte pas forcément de réponses, qui amènent le lecteur à se les poser et à réfléchir. Et en poussant le raisonnement : est-ce qu'une œuvre d'art doit plaire ? Choquer ? Interpeller ?
Il y a aussi toute une partie sur le bonheur. Qu'est-ce qu'être heureux ? Est-ce matériel, spirituel, philosophique... ? Peut-on être heureux en étant éternellement insatisfait ? En se remettant systématiquement en question ? Le bonheur se décrète-t-il, se construit-il ? Est-il le même pour tous ? Encore une fois Cyril Bonin n'apporte pas de réponse, y en aurait-il une seule d'ailleurs ? Il met les questionnements de ses personnages sur la table et au lecteur de s'en saisir.
Un album surprenant parce que bien plus profond qu'il n'y paraît. Une très belle découverte.