C'est une BD que j'ai trouvé vraiment originale, qui aborde un thème pas très évident à traiter. Il y est question de spiritualité et de religion (mais dans le sens large du terme), du devenir des êtres humains et de leur rapport à leur environnement et à la nature. Un sujet qui, donc, est bien d'actualité, car il rejoint les préoccupations écologiques d'aujourd'hui, mais qui suscite une réflexion qui va au-delà. Après Buck - La nuit des trolls, je reste toujours aussi stupéfaite et tout aussi ravie de voir que la collection Métamorphoses de Soleil, plutôt destinée à un jeune public, propose des albums de qualité qui sortent carrément des sentiers battus - alors que l'éditeur nous avait longtemps habitués à un grand nombre de séries assez formatées, après le succès de Lanfeust.
Je n'irai pas jusqu'à prétendre que Aurore est le 2001, l'odyssée de l'espace de la BD, mais les questions métaphysiques sont sans conteste au cœur de l'album. Alors, le truc, c'est que c'est à la fois une BD à la narration assez simple, avec découpage et mise en page à l'avenant, ce qui était sûrement nécessaire, mais que l'histoire ne l'est pas tant que ça à première vue. Le fait est que le lecteur est un peu perdu au début, mais pour une bonne raison, puisqu'Aurore, le personnage qu'il va suivre, ne sait ni où elle est, ni qui elle est. Du coup, résumer la trame n'est pas tâche aisée. Disons que, suite aux mauvaises habitudes prises par le peuple d'Aurore, celui-ci a perdu le contact avec les forces de la Nature. Résultat : ils crèvent de faim et une sorte de malédiction (ou de retour de bâton) leur tombe sur la tronche. Suite à l'apparition d'une étrange rivière dorée, notre Aurore, petite fille d'un des couples de ce peuple, se retrouve alors amnésique, propulsée entre deux mondes : celui des humains et celui des esprits. Et c'est donc une quête initiatique qu'elle va devoir suivre, pour que son peuple renoue les liens qu'il avait brisés avec les esprits et la Nature.
Le graphisme est particulièrement réussi et adapté au scénario, avec mention spéciale pour le travail de colorisation. Enrique Fernandez a réussi à allier des tons chatoyants ou sombres à une grande douceur du dessin, qui convient bien au parcours chargé de mélancolie et d'espoir de cette petite fille, à la fois perdue mais aussi guidée, puisqu'un autre personnage entreprend la quête avec elle : l'esprit Vokko, grand ami de la chamane du peuple d'Aurore. On peut cependant regretter que l'histoire ne soit peut-être pas assez fouillée (encore que...), pas tout à fait aboutie, et se termine d'une façon un peu abrupte, qui m'a laissée sur ma faim. Il n'en reste pas moins que Aurore est un album plutôt hors-normes, très joli et très poétique. Et vous l'aurez sans doute deviné à présent, il y a des connivences assez fortes entre Aurore et une certaine Mononoke (les esprits de la forêt rappellent d'ailleurs furieusement Miyazaki), bien que son créateur ait su trouver une voie toute personnelle.