Faire de la France contemporaine un décor de feuilleton.
Par Julien Bastide
Parmi les nombreux maux dont souffre la bande dessinée francophone, l’un des pires est sans doute « le complexe du corn-flakes », pour citer un chanteur populaire. Explications : ce que de nombreux auteurs cherchent à reproduire sans succès ne vient pas tant des comics que des séries TV policières et/ou fantastiques, en témoigne l’encombrement en librairies, depuis 20 ans, de dizaines de clones dégénérés de X-Files ou des Experts – selon la mode du moment. Le problème ne vient pas forcément des modèles choisis (Chris Carter est l’un de ceux qui a amené la fiction TV vers son niveau d’excellence actuel, et on adore William Petersen) mais plutôt de l’incapacité des scénaristes et des dessinateurs nés au Pays du Fromage à digérer les leçons des maîtres de la fiction populaire américaine, tant sur la plan du récit que de l’image. La plupart n’en retiennent que l’écorce, et ancrent de fait leurs récits dans une Amérique d’opérette peuplée d’archétypes. Cette production n’a qu’un seul intérêt, presque philosophique : elle permet de mesurer toute la distance qui la sépare d’un réel dont elle n’est que l’interprétation inavouée d’une interprétation de départ, forcément discutable en tant que telle. Là réside clairement l’une des causes de la crise économique qui commence à faire vaciller le secteur : longtemps « cinéma du pauvre », la bande dessinée est devenue « série TV du pauvre », sauf qu’entretemps, le pauvre en question, pas si bête, a compris que ça lui coûterait moins cher de télécharger illégalement le modèle plutôt que d’acheter à prix d’or une piètre copie – qu’il faut en outre faire l’effort de lire. (...)
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