« Je trouve le concept extrêmement ambitieux… et difficilement réalisable. De fait pour que cela fonctionne, il faut un scénario qui permette à la fois à un non-bilingue de comprendre l’histoire sans se sentir trop frustré… mais que tout lecteur se sente tout de même suffisamment frustré pour saisir toute la pertinence du concept… C’est le serpent qui se mord la queue. Ceci dit, à titre personnel, j’ai plutôt trouvé ça bien vu. Ne maîtrisant absolument pas la langue espagnole mais disposant d’une culture latine, j’ai saisi certains mots. J’ai de ce fait vraiment été plongé au cœur même de cette incompréhension, cause du fossé qui sépare les deux personnages principaux. Je suis sûr d’avoir loupé certaines infos… c’est frustrant mais comme c’est l’objectif recherché, et bien, quelque part, c’est assez génial. Et je pense que chaque lecteur, en fonction de sa volonté à comprendre ‘l’autre’ mais aussi en fonction de ses connaissances de la langue espagnole, aura un ressenti différent sur cet album… allant du ‘complètement sans intérêt’ au ‘trop basique’ en passant par ‘une démarche géniale qui oblige le lecteur à devenir acteur’. Je suis convaincu que certains lecteurs vont lire cet album avec un dictionnaire français/espagnol posé sur leurs genoux alors que l'objectif même de la démarche est de nous mettre face à cette incompréhension ! Ils se priveront alors de l'expérience proposée par Brian K. Vaughan et Marcos Martin... et c'est, je pense, bien regrettable. Ceci dit, je compte bien relire cet album avec un dictionnaire sur les genoux, maintenant que j'ai vécu l'expérience. Histoire de voir ce que j'ai loupé et d'ainsi vivre une deuxième expérience de ce livre. Après avoir été confronté à l'incompréhension, je pourrai ainsi sans doute mieux saisir en quoi cette incompréhension a influencé les destins de Liddy et d’Oscar… voire même de leurs ravisseurs extraterrestres. Par contre, et bien oui, pour pouvoir globalement suivre l’ensemble de l’histoire dès la première intention, il fallait un récit assez simple et cet enlèvement par des extraterrestres est très basique en soi. C’était la condition sine qua non pour que ce récit fonctionne auprès des lecteurs visés (les unilingues ainsi que, dans le cas présent, ceux qui ne maîtrisent pas l’espagnol) mais ce parti-pris nous prive d’une intrigue plus complexe, plus prenante. Enfin, la scène finale sous forme de pied de nez est très bien vue et apporte une touche d’ironie amusante dans un récit par ailleurs sombre et sérieux. Quant à l’aspect graphique de l’album. Il m’a bien plu. Son format à l’italienne est, à l’heure actuelle certainement le mieux adapté pour une lecture sur tablette (Barrier est un webcomic à l’origine), et sa transposition sous forme d’album nous propose des paysages étirés, de nombreuses grandes cases et donc le sentiment d’être devant une production sur écran large. La colorisation assez vive convient bien aux scènes les plus spaeciales (oui, ‘ae’ il n’y a pas de faute de frappe de ma part) de l’album. Le trait caricatural permet une compréhension immédiate du dessin, ce qui compense partiellement l’incompréhension née des dialogues (et c’est le but recherché, je pense). Au final, je dirais que Barrier est un album conceptuel original, pas totalement réussi mais qui mérite que l’on se penche sur lui. A éviter si vous recherchez juste une lecture divertissante. A essayer si vous êtes ouverts et réceptifs à ce type de démarche. Mon coup de coeur récompense d'ailleurs plus l'intention des auteurs que mon ressenti durant ma lecture (je n'ai pas été bouleversé par le récit, mais touché par l'objectif que se sont fixés Marcos Martin et Brian K. Vaughan... je sais pas si je suis clair mais bon, ... j'me comprends (c'est déjà ça)). »
Critique de MacArthur site bedetheque