Malgré quelques cases ratées, en cause la proportion de certains décors, j'ai été conquis par le trait de Mike Perkins, avec son Batman qui, à travers le renvoi aux comics originaux de 1939 (le nom de « The Bat-Man » renvoie à deux premières apparitions – 1939 étant, accessoirement, l'année de création du personnage), rappelle la figure d'un démon, ne serait-ce que pour la forme des oreilles du masque. Perkins arrivant à rendre le Batman du récit menaçant, le tout aidé par un encrage très sombre. Dans le même registre, les renvois aux premiers comics pour les couvertures des trois numéros/chapitres, est bien trouvé : la première couverture renvoyant à une case du premier numéro là où les couvertures des chapitres 2 et 3 renvoient respectivement aux couvertures des numéros 31 et 27 (bon après, comics oblige, chaque fin de chapitre fait du teasing bien lourdingue pour la suite).


Malheureusement, l'écriture de Dan Jurgens est décevante. Les dialogues sont pauvres, une faute qu'il me semble difficile de rejeter sur Jérôme Wicky, le traducteur, le bonhomme n'en étant pas à sa première translation. Si certains choix restent pertinents, comme le fait que l'antagoniste, La Voix, utilise principalement la radio pour arriver à ses fins (ce qui n'est pas sans rappeler un petit moustachu d'outre Atlantique), ou encore le renvoi des monstres à la figure du golem, hérité de la mythologie juive, force est de constater qu'on s'ennuie un peu. La faute à une enquête qui reste trop en arrière-plan et qui aurait gagné à prendre le pas sur le rôle d'une Julie Madison (le premier amour de Bruce) inutile, présente uniquement pour le quota féminin. Le faute aussi à un plan du méchant bien trop caricatural pour qu'on y croie ne serait-ce qu'une seule seconde, ainsi qu'au Rabbi Jakob Cohen, qui fait quand même un peu vachement cliché (bien qu'on pourrait voir dans ledit personnage une sorte d'Alfred bis). D'une certaine façon, les auteurs tentent tout autant le pari du renvoi aux premiers numéros de Batman, qu'à la réactualisation, sans pour autant arriver à vraiment réussir dans l'un des deux domaines néanmoins.


Effectivement, le tome effleure de nombreux thèmes (prostitution, peine de mort, pauvreté, guerre imminente…) sans pour autant les creuser malheureusement, rendant le tout frustrant. De surcroit, Dan Jurgens ne se prive pas pour réécrire l'histoire, nous présentant des interventionnistes gentils d'un côté, contre les méchants isolationnistes de l'autre… à croire que Pearl Harbor ne fut qu'une formalité, que l'entrée en guerre était déjà actée. Dans le même registre, autant l'antisémitisme reste présent, autant les nazis restent au second plan : à croire, encore une fois, que les étasuniens étaient épargnés par cette idéologie, voir qu'ils étaient tous des antinazis, à l'époque. Enfin, dommage de ne pas avoir profité de cette période où le fascisme était « à la mode » pour dresser un parallèle entre eux et les manière de faire de Batman.


Reste à noter quelques bonnes trouvailles et autres bonnes idées, comme le cynisme du directeur de la prison, qui n'est pas sans rappeler Néron, tant le fait de voir Gotham brûler l'enthousiasme davantage que ça ne le dérange. Aussi, les méthodes old-school de Bruce pour enquêter (la prise d'empreinte), affronter ses adversaires (à coup de poing américain) ou encore le système d'alarme de son manoir (avec le système d'ampoules), tout ça reste bon à prendre, même si pas révolutionnaire.

Bref, pas mauvais, mais globalement décevant vu la matière qu'avaient les auteurs entre les mains. Heureusement que les dessins de Mike Perkins sont là.

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