Paru en 2018, Batman White Knight avait su créer la surprise en proposant une approche inédite du conflit opposant le chevalier noir à sa célèbre némésis. Un véritable petit bijou du neuvième art et un classique instantané, transcendé par l’originalité de son intrigue et l’excellence de ses illustrations. Comptant désormais parmi les grands auteurs/artistes du moment (on lui devait déjà Punk Rock Jesus et Tokyo Ghosts), Sean Murphy n’abandonna pas pour autant le batverse et élabora dans la foulée une suite à son magnum opus. Paru en 2020 par chez nous, Batman Curse of the White Knight confirmait à nouveau les qualités d’illustrateur et de scénariste de Sean Murphy tout en poursuivant sa vision de l’univers de Gotham, très loin des adaptations les plus connues.


La plus grande force du comic, outre ses superbes illustrations, est d’oser bouleverser la mythologie du batverse, non seulement en en redéfinissant ses origines mais aussi en sacrifiant bon nombre de ses figures majeures. Un peu comme dans White Knight, les morts surprenantes ne cessent de s’amasser tout au long de cette seconde intrigue au détriment du plaisir qu’on aura de retrouver, ou de simplement apercevoir, quelques figures connues. Ce qui est à la fois audacieux et dommageable, beaucoup de ces personnages ont contribué à forger la mythologie Batman et on a un peu l’impression que Murphy en sacrifie quelques-uns parce qu’il ne sait qu’en faire (les patients d'Arkham par exemple). D’un point de vue scénaristique, on est donc loin de la démarche d’un Jeph Loeb qui avait su réemployer tous les grands alliés et adversaires de Batman dans les arcs Halloween, Un long Halloween, Amère victoire et Silence.


Le but est avant tout ici pour Sean Murphy de surprendre le lecteur par l’audace de son scénario et cela passe nécessairement par le sacrifice un peu facile de certains fondamentaux du batverse. Outre le sous-emploi de certains de ses plus célèbres personnages, cet elsewhere a toutefois l’intérêt de ressusciter un personnage longtemps négligé du batverse, le redoutable Azraël, Sean Murphy en faisant d’ailleurs le principal antagoniste de cette histoire. Apparu dès 1992 dans les arcs Batman : Sword of Azraël et Knightfall, connu pour être celui qui a vaincu Bane (on appréciera d’ailleurs leur affrontement un rien expéditif dans cette nouvelle mouture), Jean-Paul Valley reste ici l’héritier fou de l’ordre de Saint Dumas mais change toutefois d’âge et de passif. En ancien militaire incarnant la vengeance d’une famille spoliée par les Wayne, Valley/Azraël devient ici un super-vilain de choix et un véritable défi physique pour le Caped Crusader. On appréciera d’autant plus le soin qu’a pris Sean Murphy pour reproduire les deux designs originaux du « remplaçant » de Bruce Wayne, Azraël se montrant toujours aussi impressionnant dans son second costume de croisé.


L’idée d’opposer Wayne à Valley est un choix tout aussi surprenant qu’intéressant de la part de Sean Murphy et ne fait que renvoyer au statut ingrat de remplaçant mal-aimé qu’avait eu le personnage dans les comics du début des années 90, avant de disparaitre faute de fans. Mais on pourra regretter ici le sous-traitement du double personnage du Joker/Jack Napier, plus secondaire dans cet épisode, bien que tirant toujours les ficelles, et relégué lui aussi à n’être que l’héritier spirituel de la dynastie maudite d’Arkham.
A l’inverse, Murphy accorde toujours plus d’importance au personnage d’Harleen Quinzel (première version) en en faisant une fois encore l’alliée du Chevalier Noir. Il n’est donc pas étonnant que l’auteur ait choisi de lui consacrer tout un titre à elle-seule (Batman White Knight : Harley Quinn, scénarisé par Murphy), paru cette année et faisant suite à la conclusion de ce volume. On appréciera aussi l’intrigue intermédiaire Von Fries revenant sur l'enfance de Victor Fries (figure déterminante du premier volume) et illustrée cette fois par l’artiste Klaus Janson, autrefois coloriste du Dark Knight Returns de Frank Miller. Un bon petit complément à cette vision originale du batverse.


Côté illustrations, et comme dit plus haut, c’est du grand art. Le style si singulier de Sean Murphy, ses dessins à la fois riches de détails et de mouvements, leur encrage subtil et leur mise en page si appliquée confirment pour qui en doutait encore que l’artiste s’impose comme un des meilleurs de notre époque, à nouveau bien épaulé par le superbe travail de coloriste de Matt Hollingsworth. Le fait que Murphy ait à nouveau réussi à proposer un scénario original tout en livrant un travail graphique d’une telle qualité ne peut que forcer l’admiration et le respect des fans les plus exigeants. Nul doute que cet artiste n’a pas fini de nous surprendre, que ce soit dans l’univers de Batman ou dans n’importe quel autre.

Buddy_Noone
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le 30 déc. 2021

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Buddy_Noone

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