It's not enough to have a kingdom, when you can have an empire

Ceci n'est pas une critique. Ceci est un message d'espoir. Un message d'espoir à tous les fans de Batman et de DC en général, en ces temps incertains. Il faut dire que le dernier reboot, le New 52, ne nous a en trois ans pas offert de nombreuses raisons de nous réjouir. Face à un Mr Freeze cryophile, un Black Mask télépathe et un Falcone au design rappelant vaguement "Lucille, amour et rock & roll", Batman a eu fort à faire pour rester au top des héros comics. On l'a assez répété, la grandeur d'un personnage de ce genre tient pour moitié à ses ennemis, et entre des nouveaux venus bêtement psychopathes et des vieilles icônes réutilisées jusqu'au dégoût, l'homme chauve souris semblait ne plus rien avoir de spécial à nous dire, malgré deux ou trois fulgurances.


Il est donc assez logique que ce qui constitue pour moi l'un des plus grand succès récent de la série ne vienne pas vraiment de Batman, mais d'un de ses tout nouveaux adversaires, j'ai nommé l'inénarrable... Empereur Pingouin !!!


Autant vous prévenir, il y aura plein de spoils, l'épopée de notre héros ne prenant sens que vers la fin du recueil. Si vous voulez garder la surprise, demi-tour toute. Sinon, vous faites comme vous voulez, vous êtes assez grand.


Or donc, l'Empereur Pingouin (!!!), n'est pas notre bon ami Oswald Cobblepot, comme le laisse attendre la couverture de cet album. Il s'agit en réalité de son assistant/homme de main Ignatius Ogilvy, jeune sbire ayant grimpé les échelons de l'organisation criminelle jusqu'à se retrouver bras droit et homme de confiance du Pingouin. Il est efficace, expérimenté, et connait bien les méthodes du justicier local, qui l'a déjà vaincu sans y penser à plusieurs reprises. Pour des raisons psychologiques développées plus tard, notre talentueux et ambitieux gaillard saisit la première occasion pour détrôner son ancien patron et s'emparer de tout son pouvoir, allant jusqu'à lui dérober son pseudonyme. Il tentera de s'emparer de Gotham tout en éliminant Batman une fois pour toute.


Ça n'a pas l'air de grand chose, pas vrai ? Et effectivement, une bonne partie de l'intrigue est réduite au strict minimum pour des raisons éditoriales coutumières à DC/Marvel. Mais le personnage d'Ogilvy en lui même, et tout ce qu'il implique pour une possible utilisation future, est à lui seul un flambeau dans la grisaille quotidienne des comics formatés. Une vraie pépite qu'il serait dommage de négliger. Voici mes raisons.


Déjà, voir un personnage si récent représenter une si grande menace pour des personnages aussi classiques et solidement installés que le Pingouin et Batman est pour le moins rafraîchissant. D'autant que cette menace ne sort pas de nulle part et n'est pas un vide effet de style de plus. Là où il serait facile de sortir un incroyable guerrier/mercenaire qui passait justement par là, où un monstre sadique à la démence exacerbée, nous avons un personnage parfaitement humain, dont le passé nous est connu, et dont l'intelligence est plus "pratique" que "théorique" ( comprenez par là que ses plans sont de vrais plans et pas juste des deus ex machina tels que nous en sort sans arrêt le sphinx ). Un simple homme de main, qui plus est, tel que Batman en a déjà hospitalisé deux ou trois milliers. Et pourtant, le personnage représente un danger parfaitement crédible. Calculateur, apte à étudier ses ennemis, bien bâti, il dégage une impression de compétence et laisse toujours entendre qu'il a déjà un tour d'avance.
Ce qui ne fera que se confirmer à travers son court arc. S'emparant de l'organisation du Pingouin sans problème, manipulant monstres et déments tout en étendant son empire criminel, se faisant oublier de Batman le temps de préparer ses forces, il ira même, distinction suprême de tout malfrat Gothamite, jusqu'à provoquer une catastrophe à l'échelle de la ville. Après s'être ainsi délibérément mis dans le collimateur du chevalier noir, Ogilvy utilisera divers ingrédients récupérés au fur et à mesure ( je garde la surprise ) pour se mettre en position de triompher lui-même, à main nues, de son ennemi. Ce qu'il accomplit joyeusement. Ce qui en fait l'un des rares personnages à avoir été à la fois plus fort et plus malin que Batman. Ça vous pose son bonhomme. Même quand le héros est sauvé par un twist et vient mettre un terme ( en trichant ) au règne de l'Empereur Pingouin (!!!), ce dernier se contente de s'estimer content d'avoir laissé sa marque dans l'histoire de la ville. Badass.
Mais comment ne pas rendre antipathique, voire insupportable, un personnage à qui tout réussit ainsi ? Surtout après une trahison dans les règles. La solution tient en deux points.
Tout d'abord, le personnage est, malgré tout ce qu'il accomplit, d'un ridicule implicite et hilarant. Pas par son attitude générale, ou par un humour mal placé, comme ça aurait là encore été la façon facile de le faire. Les auteurs ont décidés intelligemment de faire conserver toute sa dignité au personnage et de ne jamais faire plus que sous-entendre sa folie... à une ou deux expressions près. Déjà son incroyable pseudonyme d'Empereur Pingouin (!!!) ( ou pingouin empereur (!!!), en bonne vf ), donne la mesure du personnage. Complètement premier degré et prenant très au sérieux ce nouveau nom de scène, il n'hésitera pas à en faire l'annonce dramatique, bras levé et air conquérant, devant deux auditoires différents. A cela s'ajoute qu'il reprenne la majeure partie du look de son ancien patron, ajoutant à son ( par ailleurs très bon ) design d'homme de main divers accessoires victoriens tels que monocle, veston ou parapluie tueur. Mélangez tout ça à une coiffure improbable évoquant vaguement la crête d'un manchot ( sisi ) et vous obtenez... une espèce de délire de mangaka japonais dont le croquis de méchant steampunk à mal tourné. Un mélange improbable de Di Caprio et de colonel Sponsz. Et croyez moi, voir l'Empereur Pingouin (!!!) en tenue se balader dans les rues de Gotham vaut son pesant de cacahuètes mutantes. Il ne me reste qu'à vous dire que la première chose qu'il fait après avoir vaincu Batman est d'appeler le maire pour organiser une passation de pouvoir et que sa réaction au milieu carcéral est de tuer le détenu en chef et se proclamer "Empereur Blackgate"(!...?), du nom du pénitencier, et vous comprendrez pourquoi on ne peut qu'apprécier un traître sans scrupule aussi ingénu.
La seconde raison tient à l'origine du personnage d'Ogilvy, qui n'est expliquée qu'à la fin de son arc. Son père était un gangster de bas étage, sans ambition ni reconnaissance de ses pairs, qui répétait souvent à son fils qu'il ne fallait pas faire de vagues et rester à sa place pour s'en sortir. Conseil qui prouva son inexactitude pour le jeune Ignatius (huhu) lorsque père et mère furent abattus devant ses yeux alors qu'ils sortaient d'un cinéma. Le temps d'avaler cette incroyable coïncidence, et Ogilvy junior, désormais livré à lui même dans les rues de Gotham, se promit de se faire un nom et, contrairement à son père, d'être quelqu'un qui compterait un jour ou l'autre en laissant sa marque sur la ville.
Certes, le coup du cinéma est aussi gros que votre tante Berthe, mais une fois accepté, il révèle à mon sens une certaine profondeur potentielle chez le personnage. Ses actions prennent tout leurs sens, son obsession pour le pouvoir et la gloire devient compréhensible, le manque de subtilité qu'il peut y insérer aussi... Ça n'en fait pas directement un personnage tragique, mais on est loin de l'habituel sale type avide de puissance. Pour le moins un homme complexe, tendu vers un but abstrait et narcissique. En fait, c'est sans doute l'une des "dark reflection" de Bruce Wayne les plus pertinentes que j'ai vu ( comme Hush, Black Mask, Wrath, Man-Bat... ). Que serait devenu Bruce sans image paternelle forte, sans manoir, fortune et Alfred pour lui faire son chocolat chaud ? Avec juste un traumatisme comme seul soutien dans le monde ? Si le dernier film qu'il avait vu avec ses parents n'était pas Zorro, mais un film de gangster ? Si ce n'était pas une chauve-souris ténébreuse, mais un pingouin corrompu qui l'avait pris sous son aile ? Il y a fort à parier que Batman serait loin de ce qu'il est aujourd'hui.


Et honnêtement, je trouve plutôt fort d'avoir réussi à créer un personnage de cette ampleur, alors que la plupart des auteurs se limitent par prudence à des valeurs-sures sans originalité, et que créer un nouveau protagoniste DC implique tout un tas de négociations avec collègues scénaristes, dessinateurs et éditeurs pour que le projet n'explose pas en plein vol.
Et j'espère que ses créateurs ne se sont pas donnés de mal pour rien. Il y aurait vraiment beaucoup à faire pour développer Ogilvy, revisiter son passé, aborder plus profondément sa relation avec Cobblepot... Et puis, son ambition démesurée ouvre un champ presque infini ! Je le vois déjà empereur Freeze, empereur Chapelier, empereur Croc, empereur Arkham, empereur Seine-et-Marne !
Ce personnage, malgré son histoire pleine de trous, est pour moi un parfait exemple de ce qui rend l'univers de Batman plus attrayant que ceux qui l'entourent. De la symbolique, des figures intéressantes, des luttes pour le pouvoir, un environnement tellement complexe et fourni qu'il peut générer ses propres protagonistes, comme dans le cas présent. Quelque chose qui va au delà des contraintes naturelles des comics.


Enfin bref, vous en avez marre de lire toujours la même chose dans Batman ? Vous voulez un super personnage original dans une histoire correcte et très bien dessinée ? Ce recueil est fait pour vous. Pour ma part, pour le reste de la semaine, vous pouvez m'appelez Empereur Kevan (!!!).

Kevan
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le 11 févr. 2017

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