J'avais découvert Renaud Dillies avec « Bulles et Nacelles ». Bien décidé à en découvrir d'avantage, je me suis procuré « Betty Blues », de six ans son aîné. Comme son nom l'indique, la musique et plus précisément le jazz a une influence majeure sur l'histoire. Rice, un canard, est trompettiste et joue dans les bars. Jusqu'au jour où pendant sa prestation, un riche chat noir lui ravit sa fiancée Betty à la faveur de coupes de champagnes. Suite au départ de sa belle, Rice s'enfuit également, décidant de tirer un trait sur tout ce qui a fait sa vie, musique y comprit. Mais on n'abandonne pas une passion si simplement...
Pendant que Rice se mêle aux ouvriers, Betty sombre dans le luxe offert par son nouvel « homme » très riche. Le parallèle est frappant et au final, aucun des deux personnages ne se retrouve vraiment dans ce nouveau monde. D'un côté, Rice va avoir du mal à suivre les revendications syndicales de son monde et Betty, une fois les premières passions, va rapidement s'ennuyer. Le destin leur permettra-t-il de se retrouver ?
Avec un titre pareil, il paraît évident que cet ouvrage est teinté d'une mélancolie et d'une nostalgie très forte (d'abord chez Rice, puis chez Betty). Autre thème prédominant : l'amitié qui se noue entre Rice et Bowen. On y découvre l'importance de l'autre pour sa reconstruction. En abandonnant ses anciens amis musiciens, Rice va se chercher un nouvel ami qui lui permettra de retrouver la musique.
La construction du récit se fait à l'aide d'un gaufrier systématique de trois lignes de deux cases carrées. Parfois, les six cases forment un tout, renforçant l'aspect émotionnel d'une situation. Le côté carré de l'ensemble est renforcé par les bulles, elle-même rectangulaire. En revanche, le dessin est lui tout en rondeur, atténuant une construction qui pourrait apparaître un peu rigide. Les 78 pages que compte l'ouvrage sont divisés en chapitres, symbolisé par une unique petite case (une fleur par exemple).
Les personnages sont tous des animaux. Détail intéressant : les amis du personnage et les « gentils » sont tous des oiseaux. Les « méchants » sont eux des mammifères (le chat est un riche homme d'affaire, le patron est un cochon...). Un sens est donc donné aux animaux choisis, autre que purement morphologique. Rice, en petit canard, paraît bien fragile dans le monde qui l'entoure à l'inverse de Bowen, un robuste hibou.
Le dessin de Renaud Dillies m'a une nouvelle fois conquis. Très enfantin au premier abord, l'encrage à la limite du crayonné, très relâché, lui donne une vraie noirceur. Au final, le tout a une poésie qui donne beaucoup plus de poids à l'histoire.
J'ai été encore une fois pris dans cette histoire de Dillies. Son trait, immédiatement reconnaissable, distille une histoire mélancolique et triste. On ne peut qu'être séduit par cet ouvrage d'une grande sensibilité.
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