Blanche Épiphanie, tome 1 par Francis
Blanche Epiphanie de Lob et Pichard
Blanche Epiphanie, c'est simple, c'est les aventures de Blanche Epiphanie, qui ont dû paraître dans les années 70 ou 80.
Blanche est jeune, elle n'a que 18 ans.
Blanche est belle, elle est dessinée par Georges Pichard (Dieu ait son âme).
Blanche est orpheline (l'avait pas d'papa, l'avait pas d'maman...).
Blanche est pauvre (très très).
Blanche est une petite porteuse de chèques dans le Paris de la fin du XIXème siècle (ou le début du XXème).
Et surtout, Blanche a toujours sa vertu.
A partir de là, vous vous dites « Oh ben la pauvre, il va lui arriver tout plein de malheurs, c'est sûr ». Et vous avez raison. Et parce que son papa, c'est Jacques Lob, et que Lob, c'est quand même un des rois du feuilleton à l'ancienne, et qu'il manie les clichés comme personne, tout ce qu'on peut espérer qu'il va arriver à ce personnage, ben ça lui arrive. Et comme son autre papa c'est Pichard, et que Pichard, c'est quand même un des plus grands dessinateurs érotiques qui existent (mais pas seulement, hein !), on se doute que le haillon qui lui sert de vêtement ne va pas tenir bien longtemps (ha ha, je vois à leur œil brillant que j'ai capté l'attention de certains d'entre vous...).
Et effectivement, la vertu de la petite subit des assauts assez conséquents, particulièrement de la part de son infâme employeur, le banquier Adolphus, qui la kidnappe à de nombreuses reprises, avec l'aide de sbires répugnants.
Vient ensuite sa maîtresse à l'âme corrompue, Morena, dont la jalousie perverse enverra Blanche dans une maison de peu de moralité, ainsi que bien d'autres êtres perfides pour qui le stupre est la seule motivation apparente.
Heureusement, Blanche a un protecteur secret, grâce à qui l'histoire ne tombe jamais dans le scabreux et Blanche peut conserver sa pureté virginale : ce protecteur, c'est Défendar, l'Ange Noir, un homme masqué à la silhouette féline et à la moustache racée, pratiquant surdoué de la boxe française, à l'âme noble et aux valeurs pures comme la rosée du matin. Grâce à lui, jamais aucune main impure ne viendra souiller la pauvre orpheline.
Il y a aussi le beau prince Abdullah, fils de l'émir Ben Moka, qui sauvera Blanche du bordel et l'emmènera dans l'Arabie de son père, pour y être son épouse, et puis Lucien, le doux étudiant, qui étudie la Science avec plein d'objets étranges et compliqués, et qui éprouve une douleur compatissante qui le conduit à glisser un billet sous la porte de la chambre de bonne de Blanche afin qu'elle puisse payer son loyer...
Au milieu de tous ces personnages, Blanche traverse les épreuves que le destin lui fait subir, sans jamais perdre sa fraîcheur, son bon cœur ni sa naïveté, et quelle naïveté.
Lob est un génie : il nous sert des histoires d'une niaiserie confondante, mille fois répétées, mais détournées d'une manière géniale (normal, pour un génie) par un brin d'érotisme toujours très soft par-ci, des dialogues superbement écrits dans un style « marquise des Anges » au quinzième degré par-là, du style :
-Moi aussi, j'aurais aimer étudier pour apprendre à connaître et à comprendre le monde qui nous entoure...Hélas, je ne suis qu'une pauvre orpheline sans instruction...
-Mais il est des qualités plus importantes que l'instruction, mademoiselle Blanche ! La douceur, le dévouement, la sensibilité...
-Et vou n'en manquez point, monsieur Lucien, j'en suis sûre ! Car c'est vous qui avez glissé ce billet sous ma porte, n'est-ce pas ? *Lucien se trouble, et ceci équivaut à un aveu*, ou bien
-Ha ha ! Voici enfin venu le moment de te soumettre à l'expression de mon désir tout-puissant !
Bref, les situations comme les dialogues sont d'un grotesque du troisième ou quatrième degré achevé, si bien qu'on reste à se rire à se tenir les côtes (comme Adolphus) du début à la fin, tout en étant captivé par l'histoire qui reste aussi bien ficelée qu'un feuilleton d'Alexandre Dumas, avec des rebondissements, des révélations, des retournements de situation, le tout agrémenté du dessin de Pichard, qui fait de très jolies femmes, de très jolis pieds, des méchants très laids, et des décors et des enluminures kitschissimes qui s'accordent à merveille à l'histoire ... Bref, un chef d'œuvre dans le genre BD de gare de classe, qui ne peut pas se comparer à beaucoup d'autres livres.