La récente réédition de 3 aventures dessinées par Hugo Pratt, sous le titre de « Capitaine Cormorant et autres histoires » permet d'apprécier une autre facette de l'auteur italien. La principale histoire de cet ouvrage est celle du Capitaine Cormorant, écrite et dessinée par Pratt en personne, histoire qui préfigure « La Ballade de la Mer Salée » et le personnage de Corto Maltese, même si les protagonistes de « Cormorant » diffèrent sensiblement. Le héros éponyme est un être épris de liberté, un peu fou en apparence, mais au fond sûr de lui et de ce qu'il fait (toute ressemblance avec Corto est fortuite, hum). Rusé, courageux, il réussit à se frayer un chemin au gré des îles australes et des coutumes locales pour le moins surprenantes. On retrouve la soif des grands espaces et le goût pour l'océan de Pratt qui feront tout le sel des aventures de Corto. De plus, en bon héros « prattien », Cormorant est entouré de fidèles amis, dont un indigène tatoué que l'on retrouvera peu ou prou dans des albums ultérieurs, et une femme de caractère, autres indices des chefs-d’œuvre à venir. « Capitaine Cormorant » est ainsi une nouvelle graphique accomplie, plaisante, mais qui hélas se finit brutalement car les épisodes devant lui succéder resteront à l'état d'esquisses (quelques unes sont reproduites, sans les dialogues, dans un chapitre au titre un peu trompeur – l'espoir de découvrir un inédit complet étant toujours vif avec les rééditions – intitulé « Capitaine Cormorant - Deuxième Partie »).
La seconde véritable aventure de cet album s'intitule « Billy James » et nous conte l'histoire d'un trappeur pris à parti lors de la guerre franco-britannique pour la suprématie en Amérique du Nord, au XVIIIe siècle. Le héros qui donne son titre à l'épisode est cette fois-ci un jeune homme, mais qui bien sûr est un fin connaisseur de la région, et est surtout quelqu'un (là encore) de malin et d'habile. Il lui faudra toutes ces qualités pour éviter d'être tué par erreur au milieu de la confusion qui régnait alors. Une jolie jeune femme et un sympathique révolutionnaire viennent pimenter le tout, faisant de cet autre récit une pièce de choix pour tout amateur de bande dessinée qui se respecte. Détail s'il en est, le scénario est écrit par Milani, mais la préface nous fait comprendre que c'est Pratt qui a décidé du cadre et de bien des aspects. Logique quand on connaît l'attrait d'Hugo Pratt pour l'époque et le lieu (cf. « Fort Wheeling »).
Vient enfin « L'Assaut du fort », écrit par Alberto Ongaro, et qui reprend là encore le cadre de l'Amérique du Nord au XVIIIème siècle, cette fois-ci après la victoire des britanniques sur les français. Un fort britannique est assailli par des indiens Ottawas, alliés des français mais surtout ennemis des anglo-saxons, et qui continuent le combat malgré le retrait de nos compatriotes. Un héros providentiel (jeune et rusé, mais je me répète) devra traverser les lignes ennemies pour demander du renfort à la base avancée de Niagara.
Je ne vous en dit pas plus, pour résumer ces 3 histoires trouvent surtout leur cohérence dans le style graphique assez classique (on est au début de la carrière d'Hugo Pratt) et dans les traits de caractère en germe de nos héros, avec toujours ce goût pour l'aventure et les terres reculées qui feront toute la fortune de notre ami Corto (et de Pratt, bien sûr). En conclusion : une réédition qui vaut le coup, même si décidément la couleur (ici) ne vaut pas le célèbre noir et blanc du maître.
Critique à retrouver sur mon blog ici.