Réunir une dream team de dessinateurs pour suivre les principaux candidats aux présidentielles était une super idée mais, comme on pouvait s'y attendre, les différents segments ne se valent pas. Ceux de Kokopello sont les meilleurs à mes yeux, ils donnent un visage humain au loufoque Jean Lassalle et surtout à Pécresse, pour qui on ne peut s'empêcher d'avoir de la peine tant elle semble dépassée et désabusée. Sapin s'en sort à merveille aussi, tout ce qu'il nous montre des coulisses est pertinent, que ce soit dans les attitudes ou la manière de communiquer en interne. Puis j'ai été marqué par cet échange avec une meuf de LREM à qui il demande pourquoi son parti évoque toujours l'opposition de droite et pas celle de gauche, et qui lui répond "Mais c'est nous la gauche"...
Dorothée de Monfreid a quant à elle une approche un peu plus scolaire (ou suit un candidat trop sage en la personne de Jadot) mais fait preuve d'une exhaustivité remarquable, choisissant judicieusement les thèmes à évoquer. En revanche je suis plus partagé sur les trois auteurs restants. Morgan Navarro n'assume pas de devoir traiter l'extrême-droite et prend constamment de la distance avec son sujet, abusant notamment de l'autodérision. Puis c'était une erreur de lui confier à la fois Zemmour et Le Pen, deux des candidats les plus intéressants de la campagne. J'ai le sentiment que l'auteur n'a pas eu le temps d'établir les connexions suffisantes pour nous montrer la face cachée de Zemmour, qui est essentiellement évoqué au travers de ses soutiens. Le Pen est quant à elle en retrait durant la majeure partie de la BD, on a droit à un passage en off mémorable mais j'aurais aimé en apprendre davantage sur elle.
Constat assez similaire pour Lara qui se coltinait à la fois Roussel et Mélenchon et n'a consacré qu'une poignée de planches à ce dernier, pourtant 3e homme de ces présidentielles. Qui plus est ce qu'il a à raconter sur Roussel est étonnamment oubliable compte tenu des controverses autour du personnage. En outre, j'ai du mal à accrocher au style anguleux du bonhomme.
Et pour finir, Louison... Une catastrophe. Pour le coup j'aime bien ses dessins, mais elle fait preuve d'un nombrilisme insupportable, passant son temps à nous expliquer combien elle est fatiguée ou combien il est difficile de traverser Paris pour suivre Hidalgo. Elle parle beaucoup d'elle et un peu de Hollande (auquel elle a déjà consacré un ouvrage) tandis qu'Hidalgo apparaît à peine dans la BD. À croire qu'elle n'a pas compris l'exercice.
En bref, "Carnets de campagne" est une BD inégale et incomplète dont les qualités éclipsent cependant les défauts, grâce à un format qui permet de diluer les segments les plus faibles. La diversité de points de vue et de traitements est particulièrement appréciable.