L’adaptation d’un récit biblique n’est jamais facile et celui de Noé et du Déluge encore moins car par définition il est très difficile de représenter un monde antédiluvien. Cela nécessite forcément un parti pris du dessinateur et Niko Henrichon s’en sort très bien dressant le portrait d’un monde crépusculaire, corrompu et apocalyptique au sein duquel émerge une figure, celle de Noé accompagné par sa famille. Sur ces terres de désolation, Noé endosse une grande responsabilité, celle de sauver chaque espèce créée par le créateur. Pour autant, loin d’être uniquement le sauveur de la création divine, Noé s’affirme au fil des pages être un homme complexe et ambiguë voire nihiliste quand il s’agit de l’avenir de l’espèce humaine. Habité par ses visions, il est empli de doutes concernant les interprétations à faire de ses rêves et des signes qui l’entourent.
On sent la volonté des scénaristes Darren Aronofsky et Ari Handel de ne pas faire de ce récit une œuvre religieuse - même si elle déplaira forcément aux fondamentalistes de tout bord - mais plutôt d’utiliser cet épisode de la Genèse pour en tirer une fable écologiste et une réflexion sur la nature humaine. A ce titre, Noé apparaît moins comme un prophète que comme un homme sage mais têtu et obstiné.
Sur un sujet difficile, le trio Aronofsky, Handel et Henrichon livre une oeuvre intéressante, essentiellement graphique mais malgré tout passionnante dans sa relecture d’un mythe universel.