Les livres qui sortent à chaque rentrée littéraire ne suscitent pas l’unanimité. On peut dire qu’en littérature comme dans tous les domaines culturels, l’unanimité n’existe pas. Pourtant, quand il suscite en vous des émotions variées, positives, et qu’en prime la majeure partie de votre lectorat d’entourage est du même avis, vous pouvez commencer à soupçonner le chef d’œuvre. Alors, dans les séismes qui parcourent pas mal de lect-cœurs pour aller se loger dans notre mémoire affective, il y a Ces jours qui disparaissent de Timothé Le Boucher, roman graphique exemplaire.
Le livre commence avec un jeune homme du nom de Lubin, acrobate plein de projets et de rêves, bien entouré de ses amis et de sa copine. Son quotidien est perturbé le jour où il réalise avoir eu une « absence » d’une journée dans sa semaine. Pour lui, ce jour, et d’autres qui suivront, ont disparu de son calendrier, de sa mémoire. En menant l’enquête il découvre rapidement que pendant ces jours d’absence, un alter ego vit en parallèle avec son corps. Deux personnalités bien différentes doivent alors apprendre à s’apprivoiser, et à comprendre comment cet étrange phénomène fonctionne. Evidemment, ce n’est pas sans devoir faire des compromis. Ce livre initiatique nous parle de notre rapport au corps, notre rapport aux autres, et surtout de ce qui fait essentiellement de nous ce que nous sommes. Dans cette ambivalence maudite, humainement, on se retrouve souvent…
En plus d’un scénario original et d’une conclusion…magistrale j’ai été particulièrement marquée par les plans soignés (les premières pages muettes vous en donneront un assez bon aperçu) et par le trait sensible qui semble chercher son inspiration dans la culture BD franco-belge et dans les trognes de nos personnages de manga (je pense notamment au meilleur ami de Lubin qui est toujours particulièrement expressif, et plus caricatural que les autres à notre grand plaisir). Si vous aimez le dessin de Gatignol ou de Vivès, il y a des chances pour que ce trait vous plaise.
Vous n’avez pas fini d’entendre parler de ce livre et de cet auteur parce que cette histoire a les qualités de celles que l’on regrette de ne pas pouvoir les lire plusieurs fois pour la première fois.