Chaque chose par belzaran
Après avoir atteint le succès avec son ouvrage jeunesse « Lou ! », Julien Neel s'offre une parenthèse avec « Chaque chose », une bande-dessinée qui oscille entre autobiographie et autofiction et s'interroge sur les rapports père-fils. Tout démarre alors que le père de Neel est à l'hôpital. Prenant le train pour aller le retrouver, l'auteur se remémore un été où il était parti avec son père. Ce dernier, prestidigitateur, avait trouvé un contrat pour une tournée estivale. Le tout est édité dans la collection Bayou des éditions Gallimard.
La tournée estivale est en réalité une tournée publicitaire. Abusé par son agent, le père va rencontrer Hans, cascadeur, Mlle Labrune, chargée de communication et Pichard, employé à la naïveté touchante. Ensemble, ils vont former un groupe disparate et passer l'été ensemble, entre plages et hôtels.
Dès le départ, la narration se base sur une série de flashbacks. D'un côté, on a le Neel adulte, de l'autre l'enfant. L'ensemble permet de développer la relation père-fils. Mais rapidement, de nombreux autres liens apparaissent, apportant une certaine densité à ce groupe d'êtres perdus. La gestion des passages présent/passé est vraiment bien menée. A chaque fois, la fin d'une séquence est reprise graphiquement au début de la séquence suivante. Ainsi, le parallèle est renforcé. Ce souci de fluidifier la narration est une des grandes réussites de l'album.
L'histoire, centrée sur le duo père-fils, s'enrichit petit à petit. Tout est lié à la personnalité des protagonistes et à leurs relations entre eux. S'ils se connaissent peu dans le passé, ce n'est pas le cas dans le présent. Julien Neel parvient ainsi à nous intéresser autant à l'histoire du présent (le père malade) qu'à celle du passé (la tournée estivale). Et pourtant, le ton est assez différent. Les liens entre ces deux histoires permettent ensuite d'enrichir la narration par des flashbacks bien sentis.
La partie autobiographique devient même une vraie mise en abîme quand Julien Neel a rendez-vous chez Gallimard... On lui propose alors de faire un ouvrage sur son père... Ce clin d'œil au lecteur a un vrai sens dans l'histoire et apporte une complicité auteur/lecteur bienvenue.
Graphiquement, le trait est assez simple. Julien Neel développe ici un graphisme plus sombre que sa série « Lou ! », avec beaucoup de petits traits pour forcer les ombrages. Cependant, malgré une apparente simplicité, le dessin est beaucoup plus dense qu'il n'y paraît. Beaucoup de cases sont marquantes graphiquement et les détails sont nombreux. De plus, le traitement des couleurs (par Carole Neel) est parfaitement adapté et renforce les changements d'époque.
Avec une histoire à la fois simple et singulière, « Chaque chose » parvient à nous toucher par sa tendresse et sa délicatesse. Alternant passages sombres et humour, Julien Neel dose parfaitement son ouvrage, le rendant très universel. La narration en flashbacks, menée d'une main de maître, donne envie au lecteur de lire de nouveau du Julien Neel version adulte. Un bel ouvrage, simplement touchant.
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