A la relecture de ce run labyrinthique d'Iron-Man, je prends conscience que je l'apprécie énormément. Les longueurs et défauts que je ressentais en format kiosque tendent à s'effacer, pour ne laisser que cette sensation de s'immerger entièrement dans la vie d'un homme hors norme. Bendis a toujours été un scénariste porté sur l'humain, plus enclin à raconter les tribulations d'un personnage achetant son pain à la boulangerie que d'un super-héros partant dans l'espace, en tout cas il est nettement plus doué pour la première situation. Et ce run, à l'image de ce qu'il avait pu faire sur Daredevil, nous propose avant tout de découvrir toutes les facettes d'un personnage torturé, dont l'armure ne parvient à voiler le mal être et la détresse.
Au troisième arc d'Invincible, se déroulant en parallèle de la seconde partie de Civil War II, on est arrivé à un point où la vie de Tony est ravagée. La situation allait mal au début de l'histoire de Bendis. Elle a empiré, n'a fait que s'aggraver, et notre héros doit admettre qu'il n'a pas réussi à remonter la pente. Les trois épisodes proposaient dans ce tome sont donc à l'image de sa vie qui part en miette, sans aucune narration claire, tout est confus, tout s'emmêle pour notre héros qui doit subir désillusion sur désillusion. Le monde part en vrac dit-il. Non juste sa vie...
Rhodey est mort. Tony a perdu son meilleur ami. Sa détresse est profonde, il souffre, sur les ruines de la tour Stark - symbole de son entreprise en crise dont le cours tombe toujours plus bas. Il se remémore les moments qui ont gravé cette amitié dans son coeur. Les moments où il était au plus bas, sombrant dans l'alcool, et où Rhodey l'a aidé. Leurs combats côte à côte, leur complicité. Parce que c'était lui, parce que c'était moi, le tout dans un graphisme nostalgique de ce temps révolu.
Mais ça ne ramènera pas mon meilleur ami. Ca ne changera rien au fait que la moitié de mes amis m'ont trahi. Je sais. Je sais ce que je peux faire ensuite, mais je ne sais pas ce que je devrais faire. Rhodey saurait. Il y a une filette de quinze ans à Chicago qui sait.
Mais moi...
Au milieu de ce désastre, on assiste à une lueur d'espoir. Tony rencontre ce qu'il nommera lui-même comme le futur. Riri Williams. Elle est son avenir, la preuve que son héritage existe.
Montre lui. Montre nous à tous les deux
L'autre pan de son héritage est incarné par Fatalis. Lui le soutient encore, même si Tony n'y comprend rien. Fatalis l’amène à Amara, mais il n'en ressort qu'une preuve d'un nouvel échec récent dans la vie du vengeur doré. Mon meilleur ami est mort se confiera-t-il à elle, qui répliquera glacialement. Blessé en plein deuil, il part, un regard sombre, celui d'un homme qui plus que jamais se retrouve seul. Enfin, Tony confrontera Victor, pour saisir la démarche du plus grand dictateur occulte que le monde Marvel ait connu. Il lui posera la question : "Pourquoi moi?".
Le grand moment, le dialogue parfait qu'écrit Bendis, se trouve dans l'épilogue, le troisième et dernier épisode de l'arc. Tony et Carole qui se retrouvent à une réunion d’alcooliques anonymes. Et qui partagent leurs points de vue, mais surtout leurs peines respectives. En une scène on comprend tout ce que Bendis a voulu transmettre avec Civil War II. Justement pas une guerre conventionnelle. Plutôt un affrontement idéologique entre des gens proches, fragilisés émotionnellement, des amis avec des convictions fortes et contradictoires à un moment instable de leur vie.
Même après Rhodey, même après Banner... c'est dur de t'affronter parce que je te respecte, parce que je t'aime.
_ Alors si tu m'aimes renonce. Remets ta compagnie sur pied, remets ta vie sur pied. Laisse-moi gérer le reste.
Au dessin, je trouve que Deodato fait mieux qu'à l'arc précédent, bien aidé par un Frank Martin compétent aux couleurs. On a par ailleurs beaucoup de gros plans visages, pas toujours parfaits mais qui cherchent vraiment à transmettre des sentiments, et les réussites compensent les ratés je pense : la colère endolorie et muette de Tony quand il se détourne d'Amara, le regard qui passe entre lui et Danvers, l'expression émerveillée de Riri devant son modèle, la larme finale au sein d'une page magnifique...