Trop fier de faire dédicacer ce roman graphique au festival d'Angoulême 2024 par Lucia Biagi, libraire, enseignante et bédéaste turinoise, il me fallait ensuite le lire. C'est désormais chose faite. Mais qu'en sortir ?
Tout se passe dans une mégapole imaginaire, Bourne, quelque chose à mi-chemin entre une ville de la côte US (est ou ouest, peu importe, mais plutôt sud, en tout cas), et une ville italienne. On pourrait aussi y trouver des repères sud-américains. Bref, on est dans une grande ville, on en connait la carte, les quartiers qui "craignent" et les quartiers argentés. Et dans cette ville, la sociologie est simple : les jaunes sont riches, privilégiés, peu nombreux, les oranges représentent la classe moyenne, et les bleus sont pauvres et discriminés. On comprend le projet
Biagi prend bien le temps de déployer son histoire, de donner de l'ampleur à ses personnages, aux décors, à l'intrigue, à la sociologie de la ville. Le prétexte est un polar (réussi), le vrai sujet, c'est la discrimination (révoltée par la politique d'extrême droite de son pays, la critique ne laisse pas de place à l'ambiguité), et l'impact que cette discrimination a sur les âmes. On parle bien sûr aussi des affres du libéralisme qui emprisonne les peuples.
C'est un roman fleuve. Il peut y avoir des longueurs, mais c'est une question de parti pris : soit on déploie la pyschologie des personnages, et on peut parfois faire ralentir l'action, soit on fait des stéréotypes et on fait du rythme et moins de pages. Mais je ne m'oppose pas au temps long.
La démarche des couleurs peut paraître simpliste, mais ça permet de faire comprendre que nos préjugés ne reposent sur rien et qu'il faut s'en séparer, bien sûr. Le polar est assez prenant, et bien mené sans nous perdre alors qu'il y a pourtant beaucoup de personnages et d'allers retours passé / présent.