Spirou contre les traders
Revoici Spirou ! Je suis content. Yoann et Vehlmann sont toujours aux manette et, même si l’album précédent m’avait un peu laissé sur ma faim, c’est plein d’optimisme et de confiance que je me suis lancé dans le dénommé Dans les griffes de la vipère. Spirou aussi, revenu de ses déboires lunaires, semble aborder l’avenir sereinement. Une tranquillité de courte durée, cela dit. En effet, une avocate aussi douée que remontée réussit en deux temps trois mouvements à faire plonger la situation financière du Journal de Spirou : à moins d’une miracle, il n’y aura pas de prochain numéro.
Surgit alors un certain Gil Coeur-Vaillant. Détective-explorateur dans sa jeunesse, admiré par Spirou lui-même, il propose à ce dernier un contrat en or : un investisseur richissime prêt à renflouer les caisses du journal. Acculés mais confiants, Fantasio et lui signent sans hésitation (notez : un contrat signé dans cette rédaction, c’est assez rare pour être signalé). Bien évidemment, il aurait mieux valu qu’un Gaston Lagaffe passe par là pour tout faire capoter. Pas de Gaston, donc (qu’est-il devenu ?), mais bien Seccotine, qui fait son grand retour en appui fidèle d’un groom en grande difficulté. Piégé par le patron de la VIPER, nouveau propriétaire richissime du journal, il se retrouve coincé sur une île du Pacifique sans espoir de sortie.
Et là, je tique un peu. Car le principal problème de cet album me semble être ce fameux patron maléfique : omnipotent, sans passé, 100% méchant, il s’avère être au final complètement creux. Après deux albums consacrés à Zorglub, c’est un peu triste. Du coup, Spirou se bat davantage contre un système qui le dépasse que contre un adversaire défini. Face aux moyens démesurés d’un empire financier, Spirou est démuni et fuit une menace dénuée de sens. Même les héros de son enfance ont abandonné leurs idéaux pour une vie confortable et facile. Quant à ses amis, la plupart sont piégés ou absents (Fantasio en tête). Cette idée est vraiment bonne, mais aurait peut-être pu être poussée encore plus loin.
Pour les auteurs, cette situation presque kafkaïenne est d’ailleurs un bon prétexte à lancer d’autres personnages dans la mêlée, qu’il s’agisse de vieilles connaissances ou de nouvelles têtes comme la petite Ninon, pour parler des plus réussis (certains sont même issus d’autres univers, ce qui n’était pas indispensable mais reste rigolo), et ce turnover est plutôt bienvenu. En fait, Dans les griffes de la vipère n’est pas vraiment génial, pas vraiment épique, mais agréable quand même. Bourré de références diverses (peut-être même un peu trop), il lui manque une étincelle de folie, une petite dose de souffle épique, et il décollerait vraiment. Je garde espoir, ce sera pour le prochain.