Critique initialement publiée sur mon blog : http://nebalestuncon.over-blog.com/2018/01/deathco-vol.1-d-atsushi-kaneko.html
Attention, je SPOILE peut-être un tout petit peu, même si rien de bien méchant je crois.
TOUJOURS DES DÉCOUVERTES
Mon inculture en matière de mangas demeure consternante, mais j’ose croire que, petit à petit, les choses s’améliorent tout de même – ou sont un peu moins pires ? Lecture après lecture… C’est audacieux de ma part, tant la route est encore longue. Mais l’important, c’est de découvrir des choses – même bien après tout le monde. Il n'est jamais trop tard !
Quelques guides, çà et là, s’avèrent cependant précieux – comme l’excellente revue Atom, que j’ai découverte avec le numéro 2. J’avais déjà pioché, dans ce numéro précisément, le nom de Furuya Usamaru, ce qui m’a amené à lire Je voudrais être tué par une lycéenne, expérience pas totalement concluante à mes yeux, néanmoins intéressante.
L’auteur suivant, dans ce même numéro, était Kaneko Atsushi – et aussi bien le ton de l’interview que les louanges des critiques et les aperçus de son dessin m’avaient incité à y jeter un œil de plus près. Il aurait peut-être été plus logique de découvrir le bonhomme avec ses séries les plus plébiscitées et « construites », que sont Soil et Wet Moon, mais je me suis laissé séduire par un titre ultérieur, en cours de publication, et s’affichant plus fun, fou et bisseux : Deathco. Premier tome, donc…
PUNK, CINÉMA ET BD AMÉRICAINE
Quelques mots, peut-être, pour tenter de situer l’auteur – partiellement : je m’en tiens ici à des généralités applicables à Deathco, qui font peut-être moins sens pour d’autres titres, lesquels me demeurent inconnus.
Kaneko Atsushi est semble-t-il perçu comme une sorte d’OVNI dans le milieu du manga : il ne s’y intègre pas forcément, et ses références essentielles (ça compte, car on a pu semble-t-il lui reprocher d’être trop référentiel) empruntent à d’autres univers, d’autres cultures le cas échéant.
Et tout d’abord, le punk. Car c’est semble-t-il essentiel pour Deathco, même si ça s’était déjà senti dans la première série à succès de Kaneko Atsushi, Bambi. Ceci dit, c’est large, le punk… La musique au sens le plus strict y a sa part, mais aussi l’esthétique qui peut y être accolée – dans son interview du numéro 2 d’Atom, Kaneko Atsushi mentionne aussi bien Johnny Rotten raillant son public nippon que Maruo Suehiro, pour expliquer qu’il a découvert le travail de ce dernier à partir de ses illustrations de pochettes de disques. Le punk, derrière, c’est aussi, en théorie du moins, une forme de pensée (?), un regard sur le monde – emprunt de nihilisme éventuellement puéril, mais s’assumant comme tel, avec une rage destructrice. Et c’est une dimension semble-t-il importante de Deathco, même si cette série précise, ou biaise, la filiation culturelle : son héroïne, la fillette tueuse à gages Deathko, s’affiche dépressive et violente, et arbore un look gothique davantage évocateur des heures sombres de la musique underground des années 80, death rock et compagnie (avec peut-être aussi un peu de Siouxsie, hein, ouf), que des fantasmes de lolita gogoth si prégnants dans le Japon contemporain : Deathko n’est pas une poupée superficielle bêtement érotisée, mais bien une tueuse complètement cintrée – tenez-vous-le pour dit, Messieurs, et allez baver ailleurs.
Deuxième aspect : le cinéma. Kaneko Atsushi n’en fait pas mystère : à l’origine, il se voyait bien cinéaste… mais ne s’est pourtant pas engagé dans cette voie, pour des raisons pratiques : redoutant la rigidité du système japonais des studios (même si je suppose que la situation aujourd’hui n’est tout de même pas celle des années 1950 ou 1960), il ne se voyait pas faire l’assistant pendant des années avant de pouvoir tourner ses propres films. Dans son interview, il explique en fait que c’est ce qui l’a amené au manga – un moyen de « tourner ses propres films » tout seul ! Quoi qu’il en soit, son travail graphique est visiblement marqué par des influences cinématographiques, ne serait-ce qu’en termes de cadrage : il cite Kubrick, notamment, et son sens de la perspective. Pourtant, ce sont deux autres réalisateurs américains qu’on lui associe le plus fréquemment – devinez qui ? Ben oui, David Lynch, et Quentin Tarantino… Comme souvent, je le crains, la référence au premier ne veut pas dire grand-chose (dès que c’est « bizarre », on dit que c’est « lynchien »), et la référence au second ne veut rien dire du tout (Kaneko Atsushi a en fait son explication, qui fait sens : ce n’est pas qu’il est influencé par Tarantino, mais par les mêmes films qui influencent Tarantino…). Toutefois, dans le cas de Deathco, on est plus que tenté, du fait de cette esthétique façon « gothique bouffon », de citer un autre réalisateur encore : Tim Burton – rassurez-vous, je parle de l’époque où il avait du talent… Beetlejuice, les deux Batman (probablement surtout le deuxième, qui demeure le meilleur, avec ses freaks en pagaille), L’Étrange Noël de monsieur Jack réalisé par Henry Selick… Yep, il y a bien de tout ça, et de manière très réussie. Avec des meurtres en plus.
Enfin, la BD américaine – ou peut-être plus largement non japonaise. Le trait de Kaneko Atsushi ne doit pas forcément beaucoup au manga, ses codes viennent essentiellement d’ailleurs, et surtout de la BD américaine plus ou moins underground. Je suppose qu’un retour à l’envoyeur opère, car il est difficile, devant ces pages soigneusement cadrées et où les aplats de noir jouent un rôle essentiel, de ne pas penser à Frank Miller, et tout d’abord à celui de Sin City – or Miller, c’est notoire, a été influencé par le manga, dont il a aidé à la promotion sur le sol américain. Dans une même veine, on pourrait aussi, je suppose, mentionner Mike Mignola, avec ses formes plus « géométriques » : la brève ouverture en (quelques) couleurs de Deathco me paraît clairement jouer dans ce sens, et avec une réussite marquée. Mais les inspirations de Kaneko Atsushi peuvent aussi être davantage « indé » ; je pense à Charles Burns, notamment – mais bien d’autres noms seraient sans doute à citer, ce que mon inculture m’interdit…
Quoi qu’il en soit, tout cela (entendre par-là ces trois influences en même temps, car une ou deux d’entre elles, ce sont des choses que l’on rencontre très fréquemment), tout cela donc explique la place à part qu’occupe Kaneko Atsushi dans le milieu du manga – où il est tantôt célébré pour sa personnalité, tantôt accueilli avec davantage de scepticisme pour toutes ces raisons, et ses tendances citationnelles. Le positif semble tout de même largement l’emporter, et l’auteur a reçu quelques récompenses tout à fait notables, outre qu’il s’est bien exporté. Deathco semble cependant différer d'autres titres tels que Soil ou Wet Moon, avec un côté plus frontal et relâché, mais je ne dispose pas des clefs pour en traiter pertinemment.
STRUCTURE ZARB
En tout cas, même avec cette dominante fun, ce premier tome de Deathco est… déstabilisant ? Et tout d’abord en raison de sa structure, fondamentalement déséquilibrée. Il comprend six chapitres, d’une trentaine de pages chacun environ (avec un bref prologue en couleurs), mais qui peuvent être divisés en trois ensembles.
Le premier est de loin le plus long, puisqu’il comprend quatre de ces six chapitres, sous le titre collectif « Les Reapers ». C’est une longue introduction in media res, qui dévoile petit à petit l’univers, sans vraiment s’attacher aux pas de l’héroïne, même si celle-ci est bien présente et a ses morceaux de bravoure – cependant, à ce stade, elle peut encore faire l’effet d’un personnage parmi tant d’autres... Beaucoup, beaucoup d’autres, et c’est bien le propos.
Le chapitre cinq est intitulé « Le Château », et fonctionne comme une sorte d’interlude – en même temps, c’est seulement ici que nous pouvons approcher un peu Deathko et appréhender un chouïa sa psychologie torturée. Pourtant, même dans ce contexte, elle apparaît presque secondaire, le chapitre mettant au moins autant l'accent sur… euh… son « colocataire » obèse ?
Enfin, le chapitre six, « Croisières de rêve »… est une ouverture sur le tome 2 : le premier épisode, isolé par la publication, d’un nouvel arc – autant dire une nouvelle tuerie ; et on s’attarde clairement ici (mais à vrai dire comme au début des « Reapers ») sur les personnages de salauds dont on suppose qu’ils seront les prochaines victimes de Deathko… laquelle n’apparaît qu’à peine, en tout fin d’épisode.
Une structure… « particulière », donc. Et, dois-je dire, un peu frustrante : arrivé au bout de ce premier tome, on n’en sait finalement pas beaucoup sur Deathko ; davantage sur la Guilde, mais sur un mode in media res, donc, qui exclut les tunnels explicatifs (ça, c’est pas plus mal – pour le coup, c’est long, mais vraiment bien pensé). Quant au dernier épisode, il donne l’impression d’un teaser, peut-être…
Pour dire les choses : à ma première lecture, j’étais trop frustré par cette structure déséquilibrée pour pouvoir prétendre avoir été accroché, et je doutais franchement de poursuivre l’expérience. Mais, quelque temps plus tard, je me suis dit que relire la chose avec plus de distance pourrait être profitable – et, oui, sans doute, car j’ai été bien davantage convaincu ; par le dessin et par l’ambiance, surtout – les vrais atouts d’une bande dessinée dont le scénario et les dialogues sont pour l’heure un peu en retrait (même si pas au point des deux premiers tomes de One-Punch Man, dans un genre qui certes n’a à peu près rien à voir).
LE CARNAVAL DES TUEURS
La longue introduction des « Reapers » se déroule dans une riche propriété, lourdement gardée par un régiment entier ou deux ou trois de types plus que louches. Ils sont aux ordres d’un certain Sannomiya, un yakuza particulièrement arriviste et sans scrupules, qui envoie chier le prétendu « code de l’honneur » qu’un vieux truand du nom d’Umegaoka prétend lui imposer, en jouant du privilège supposé de son aînesse. Sannomiya est un connard avec du sang sur les mains (beaucoup, et ailleurs sans doute aussi), mais il a au moins pour lui de ne pas être un hypocrite – il est un malfrat façon Combat sans code d’honneur et Le Cimetière de la morale, actualisés pour notre époque qui se cogne plus que jamais de ce genre de mythes invraisemblables au travers desquels de vulgaires criminels prétendaient jouer aux samouraïs.
Toutefois, avant de (faire) massacrer son interlocuteur et sa petite troupe de gardes du corps « à l’ancienne », Sannomiya apprend d’Umegaoka que la Guilde a lancé un contrat sur sa tête. La Guilde, c’est une organisation secrète des plus mystérieuse, qui désigne des cibles à une horde de « reapers », à charge pour ces derniers de massacrer leurs proies sans se poser davantage de questions sur les raisons de ce choix : la Guilde ne communique jamais sous cet angle, elle livre seulement des noms d’hommes à abattre. Point.
Mais les reapers ne sont pas des tueurs à gages lambda : ce sont… des amateurs ! Oui – des gens qui ont leur petite vie normale, untel est poissonnier, tel autre sarariman dans une prestigieuse banque tokyoïte… mais, la nuit, ils revêtent des costumes improbables et entreprennent d’exécuter les contrats de la Guilde, comme des super-héros de seconde zone (enfin, pas tous…), vénaux et qui n’ont absolument aucun scrupule à tuer qui que ce soit.
Or, cette fois, la Guilde a mis le paquet : elle a lancé sur Sannomiya (qui minimise d’abord la menace : qu’a-t-il à craindre d’une bande d’amateurs ?) des dizaines, peut-être même des centaines de reapers ! La bataille sanglante est en même temps un carnaval des tueurs, aux allures les plus improbables – incluant des furries lapinous cyclistes maniant la hache d’arme, ou des pom-pom girls de la mort, victimes du « sourire » de quelque Joker, qui tuent au travers d'acrobaties élaborées.
Beaucoup trop de monde pour un seul contrat… La Guilde voulait-elle épurer un peu les rangs ? En tout cas, le massacre des hommes de Sannomiya se poursuit logiquement en massacre de la concurrence ! Des morts partout, par dizaines !
Mais il y a des reapers plus doués que les autres… Comme cette fillette, ce petit chaperon noir, un ballon en main – et un rictus dément sur le visage, entre deux bulles de chewing-gum…
Un des hommes de Sannomiya (un de ces cons qui rient à leurs propres blagues, aha, les cons, aha) livre un mauvais jeu de mots, devant la tuerie du manoir : c’est la discothèque de la mort, c’est – aha – Deathco !
Alors, quoi : Stayin’ Alive ?
Titre approprié, mais, en fait de punk…
Notez, comme l’a dit je ne sais plus qui, mais c’était de bien sages paroles, pourquoi, à la fin des années 1970, aurait-on dû choisir entre le punk et le disco, quand on pouvait avoir les deux ?
La fillette est Deathko – et c’est une tueuse accomplie.
DEATHKO DANS SON CHÂTEAU – ET UNE OUVERTURE
Mais qui est Deathko ? Pour l’heure, nous ne savons rien d’elle. Et, bon, nous n’en apprendrons pas forcément beaucoup plus dans ce premier tome…
Mais l’interlude du chapitre 5 nous livre quand même quelques éléments. Au travers d’un fait particulièrement épique (une livraison de pizzas), nous découvrons sa demeure, qu’elle partage avec un bonhomme obèse d’un caractère visiblement bien éloigné du sien ; oh, et il y a Taram, aussi – une sorte de… chauve-souris ? On parle de gogoths, autant dire de flap-flap dans la batcave... Quoi qu’il en soit, cette demeure, c’est un château gothique tout droit sorti d’un film de la Hammer un peu plus friqué que la moyenne des productions de l'honorable compagnie, d’autant plus poussiéreux et envahi de toiles d’araignées, et débordant ras la gueule de pièges improbables à la façon d’un donjon rôlistique un peu trop enthousiaste.
Et c’est ici que vit Deathko – une fille pas banale, qui parle d’elle à la troisième personne (Nébal ne comprend pas les gens qui font ça) ; une mythomane, par ailleurs, qui (se ?) raconte à haute voix quantité de bobards incompatibles et sans cesse changeants, mais supposés justifier qu’elle broie ainsi du noir – au point du proverbial petit nuage qui la surplombe et la suit dans ses pérégrinations mélancoliques : toute la pluie tombe sur elle. Littéralement.
Deathko déprime, elle s’ennuie. Au fond, et ça nous le comprenons très vite, elle ne vit que pour les contrats de la Guilde – qu’elle prépare avec soin, en bidouillant des jouets tueurs. Mais que le temps est long, entre deux assassinats ! Un contrat la ressuscite, invariablement. Il y a peut-être une raison à cela – si l’on est prêt à commettre la folie de croire ce qu’elle nous raconte :
– À force de te faire des ennemis, tu vas t’attirer des ennuis. Tu dois apprendre à respecter les autres reapers.
– Deathko déteste les reapers.
– Il y a un tas de choses que tu détestes. Et tu es une des leurs, je te signale.
– Deathko se déteste plus que tout. Elle vous déteste. Et Taram aussi. Le soleil, la lune… L’eau, l’air, les plantes, les cailloux… Deathko déteste le monde entier.
C’est dit. Cette jeune fille est selon mon cœur.
Et la suite ? Le dernier chapitre de ce premier tome nous montre la vilaine combine de deux escrocs qui prétendent offrir à des personnes fuyant quelque chose, quoi que ce soit, la possibilité de disparaître à l’étranger. Sous les boniments souriants du chef de l’opération se cache une réalité plus sinistre : les clients sont bazardés par-dessus bord, pour nourrir les requins. Et il faut croire que la Guilde en a après eux ? En tout cas, Deathko est sur le quai pour la nouvelle croisière… et son mutisme la rend plus terrifiante encore. On verra bien ce que ça donnera – dans le tome 2…
TUERIES MUETTES ET AUTRES FOLIES GRAPHIQUES
D’ici-là, une certitude : si la longue introduction pose habilement un univers, l’intérêt majeur de ce premier tome demeure cependant graphique. La vraie force de Deathco, à ce stade du moins, réside dans le dessin de Kaneko Atsushi.
La question de ses goûts et de ses influences a déjà été abordée. Je suppose qu’il ne faut peut-être pas lui accorder trop d’importance, en même temps – le dessin, ici, conserve quelques traits typiques du manga à l’occasion, il n’y a pas à proprement parler de refus global et obstiné de cette esthétique ; c’est l’impression d’ensemble qui nous ramène à d’autres procédés, d’autres manières de voir et de montrer.
Pour un résultat impressionnant, certes – et qui doit certes beaucoup au cinéma. Kaneko Atsushi soigne son cadrage et son découpage avec la méticulosité d’un story board : au-delà des seuls aplats de noir, même s’ils un rôle essentiel, c’est aussi cela qui peut le rapprocher d’un Frank Miller et surtout de Sin City.
Mais, sur cette base, les scènes les plus marquantes sont aussi, presque systématiquement, des scènes muettes – les dialogues sont hors-sujet, mais parfois aussi le bruitage. Le superbe prologue (un peu) coloré, ou encore l’apparition du premier reaper, un bouffon qui fait l’équilibriste à distance des gorilles de Sannomiya, en sont des démonstrations éloquentes, si j’ose dire.
Au-delà, le dessin de Kaneko Atsushi brille à un autre niveau – qui doit là aussi beaucoup à ce sens du découpage et du cadrage, proprement cinématographique : les scènes d’action sont d’une lisibilité peu commune. À titre personnel, moi l’ignare, je me dois de l’avouer – je suis souvent largué par l’action chez les mangakas les plus typiques du genre ; un Kishiro Yukito, parfois, ou peut-être aussi un Murata Yusuke, dans un autre registre, ça peut aller, mais je suis vite largué autrement (et ne me parlez pas de Shirow Masamune). L’art de Kaneko Atsushi me parle beaucoup plus, ici – qui emprunte peut-être, en même temps, à Ôtomo Katsuhiro.
Reste que cette utilisation conjointe de l’image et du son – ou plutôt, souvent, du silence, donc – produit un résultat imparable, vraiment admirable.
Ce qui autorise peut-être toutes les folies ? Cadrages des plus improbables ou acrobaties totalement absurdes… L’impact de l’image prime sur le sens, d’une certaine manière – ainsi, vers la fin de l’arc des « Reapers », quand Deathko, après un saut phénoménal, se pose comme une fleur… sur le canon d’un pistolet-mitrailleur ! Procédé sans doute récurrent dans le manga d’action, mais qui, ici, de la manière dont il est amené, produit pourtant un impact tout autre.
La folie, bien sûr, ce sont aussi ces reapers à l’allure toujours plus déjantée, quitte à ce qu’ils ne fassent qu’une très brève apparition « à l’écran », le temps de se faire dessouder… Et Deathko elle-même participe de cette impression générale – aussi bien dans les scènes d’action les plus violentes qu’au travers de ses innombrables gamineries, que l’on n’est certes pas porté à qualifier d’ « innocentes » : Deathko reste un personnage qui suscite avant tout la peur, jusque dans ses excentricités puériles.
Ou ce petit nuage qu’elle se traîne au-dessus de la tête, tandis qu'elle erre dans son château gothique dans l’attendre désespérée d’un nouvel assassinat à perpétrer.
PERPLEXIFIANT…
Le résultat global est tout de même très étrange. Comme dit plus haut, au sortir de ma première lecture, j’étais perplexe – plus que perplexe, en fait : plutôt déçu, ou blasé, je ne sais pas. Et je doutais de poursuivre.
Ma deuxième lecture m’a amené à changer d’avis – en prenant davantage en compte l’astuce dans la composition, aussi bien graphique que narrative, de cette longue introduction in media res, et en passant plus de temps sur chaque case, pour bien intégrer tout ce que ce story board extrêmement précis a de bien pensé. Ce qui m’incite déjà davantage à la curiosité à l’égard de la suite des opérations – oui, je pense lire le tome 2 un de ces jours.
Reste que ce premier tome a tout de même quelque chose d’un peu frustrant – peut-être aussi parce qu’il ne s’embarrasse pas de codes auxquels j’ai été un peu trop formaté par mes lectures ? Prenez la technique du cliffhanger, par exemple : ici, elle est plus ou moins hors concours – chaque épisode ne se termine pas sur une « révélation », une évolution significative du récit, ou même une punchline bien sentie, plutôt sur quelque chose de finalement anodin : il n’y a pas à proprement parler de « fin », au sens de chute, même temporaire – le découpage en épisodes se joue à un autre niveau.
Mais cette impression est renforcée par ce choix de conclure ce premier tome sur le premier chapitre d’un nouvel arc, dans ces conditions exactement – on voit Deathko qui fait des bulles en observant une porte, et RIDEAU.
Surtout, l’association de ces six épisodes – même avec toute l’astuce que j’ai bien dû reconnaître à l’arc introductif des « Reapers » – génère tout de même une certaine frustration : nous n’avons finalement que peu vu Deathko, et, au sortir de ce volume, nous ne savons pas grand-chose de plus d’elle qu’au moment où nous en avons entamé la lecture. C’est peut-être un atout, en même temps…
En tout cas quelque chose qui m’incite à jeter un œil au deuxième tome, pour voir comment tout cela va évoluer.
En prenant en compte le fait que j’ai été séduit par le dessin de Kaneko Atsushi, cadrage et découpage – mais que, au vu de mes préférences habituelles, le dessin seul ne suffira pas à me captiver : il y faudra autre chose, sans que je sache exactement quoi à ce stade.
En l’état, c’est bien fait, fun, impressionnant parfois, intriguant aussi… Certainement pas un chef-d’œuvre à même de m’amener à crier au génie, mais de quoi avoir envie de lire la suite (et sans doute aussi des choses a priori bien différentes, comme Soil ou Wet Moon – en son temps ?).
PS : Oh, au fait : le lettrage est tout moche. Beuh.