Tony Sandoval est un auteur mexicain de bande-dessinée. Ayant vu l’une de ses expos, j’avais été marqué par son graphisme particulier et par son univers très personnel. Je me suis donc procuré « Doomboy », dont les critiques étaient particulièrement élogieuses. « Doomboy » se présente sous la forme d’un livre A4 au format paysage. Il compte pas moins de 128 pages et est édité aux Editions Paquet.
L’histoire de Doomboy est dramatique. Sa petite amie vient de mourir. Désespéré, il va se réfugier dans des sessions de doom-metal qu’il enregistre sur la plage. Ce qu’il ne sait pas, c’est que sa musique est diffusée sur la radio local, faisant de lui une star… inconnue. En effet, sa musique est splendide, hommage à Anny, son aimée disparue.
« Doomboy » est un récit sur l’adolescence. En effet, ID (alias Doomboy) est d’abord rejeté d’un groupe, car considéré comme mauvais guitariste. Un autre se révèle à son homosexualité, une autre tombe amoureuse du créateur de la musique qui passe à la radio (sans savoir qui il est). Ces thèmes sont transcendés par le talent de l’auteur à ajouter une pincée de fantastique dans son ouvrage. On voit ainsi des tourbillons apparaître, un trou se former dans le ventre d’ID… Cet aspect donne une toute autre ampleur à l’ouvrage.
Si « Doomboy » parle avant tout du deuil, qui plus est à un âge difficile, il parle aussi de la relation d’un musicien à son instrument comme catharsis. Les scènes où ID jouent sont superbes, montrant combien le déchaînement de notes le transcende. Ses doigts s’enflamment, des monstres s’extirpent de sa guitare. Ne mêlant créativité musicale et souffrance, Tony Sandoval touche du doigt une question bien connu : un artiste ne crée-t-il pas des chefs-d’œuvre que lorsqu’il souffre ?
Graphiquement, l’auteur fait le choix d’un trait fin très relâché. Les personnages, avec de grandes têtes, font partie de l’univers de l’auteur. Bien que les couleurs soient des aplats relativement simples, les teintes sont bien choisies, donnant une particularité à l’album. Et surtout, dans les moments les plus oniriques et fantastiques, l’auteur déploie toute sa maestria graphique. Le trait devient un crayonné et les couleurs se font peinture. Ce changement graphique sert énormément l’aspect émotionnel de l’ouvrage. Comment ne pas s’émouvoir devant cette charge d’Odin, déclenchant l’orage ? En réservant ses effets (et son graphisme superbe) à des moments précis, Tony Sandoval fait un excellent choix !
Sans être parfait, « Doomboy » est une pépite. On est captivé par l’ambiance et l’histoire de ce garçon qui, par sa guitare, émeut toute une ville, tel un fantôme. Le traitement du deuil par Tony Sandoval est ici très réussi et original. A découvrir d’urgence !