Malgré le temps qui passe, les figures iconiques de la littérature, de l’Homme Invisible à la bête du Gévaudan, et leur aura, perdurent dans l’inconscient collectif. La fascination qu’exerce encore Dracula de nos jours en est le parfait exemple : rien que ces dernières années, les adaptations cinéma (la comédie Renfield, le Nosferatu de Robert Eggers à venir...) comme les rééditions de ce classique (chez Callidor, comme chez Bragelonne) pleuvent.
Rien d’étonnant, donc, à ce que le duo le plus prometteur de la scène comics indépendante propose une revisite de Dracula, plus précisément du film de Ted Browning, sorti en 1931. James Tynion IV et Martin Simmonds, le duo derrière The Department of Truth, reviennent en force et nous ne sommes clairement pas prêts !
L’histoire de Dracula, ou tout du moins ses éléments phares, tout le monde les connaît un tant soit peu : le docteur Van Helsing, le servile et dément Renfield, la figure iconique de Dracula… Ces éléments, agglomérés à ceux du film de 1931, ont construit une iconographie très précise de ce cher comte vampire et c’est avec ces éléments que le duo formé par Tynion IV et Simmonds s'amuse, au détour d’une explosion graphique de tous les instants.
Le trait épais, presque laiteux, de Simmonds offre son lot de moments vertigineux où l'aura vampirique du comte envahit tout l'espace, dans un chaos de rouge carmin et de blanc crème, qui rappelle par certaines compositions le travail de George Bess, lui qui avait adapté le roman en 2019. Mais là où l'œuvre du duo arrive à se démarquer des autres versions, c'est en développant davantage l'une des figures clés du récit vampirique, mais souvent trop délaissée, qu'est celle de Renfield.
Dans le film Renfield de 2023, la possession qu’exerce le comte sur Renfield est traitée avec humour au travers d'un passage par une thérapie sur la relation toxique entre les deux personnages. Ici, oubliez la comédie, retour au lyrisme ravageur de l'œuvre initiale.
Car Renfield, derrière sa figure d'être émacié et malingre, est avant tout un esclave de Dracula, contaminé jusqu'au sang et qui se repaît de mouches afin d'espérer accéder à un centième de la puissance de son maître. Le traitement que lui offre le comics permet cette fois de comprendre sa volonté d’obtenir du pouvoir, ses origines et sa relation avec Dracula. Il va même prendre le pas sur le récit originel, au point que l'œuvre ne nous donnera que de brèves apparitions du comte au détour de ruelles sombres. Ce parti pris narratif a le mérite d'ajouter de l'originalité à un récit vu et relu, analysé sous toutes ses coutures, tout en l’accompagnant des illustrations somptueuses de Simmonds.
Dracula, vu par le duo Tynion IV et Simmonds, est un objet graphique somptueux, qui sait renouveler une formule maintes fois revisitée. Cela confirme surtout une hâte : celle de les voir conclure leur précédent chef-d'œuvre : The Department of Truth !