Eagle
7.1
Eagle

Manga de Kaiji Kawaguchi (1998)

Jo Takashi est un jeune reporter japonais inconnu vivant dans son pays natal. Il est directement demandé par le sénateur Kenneth Yamaoka afin de suivre sa course à la présidentielle. Jo se rend aux États-unis et a pour mission de couvrir l’intégralité des élections du clamp Yamaoka. L’histoire se déroule à l’époque où Bill Clinton arrive à la fin de son second mandat au début des années 2000.


Durant le premier volume, l’auteur pose immédiatement les bases de son histoire pour se concentrer sur la connexion entre Jo et le candidat. Après une brève introduction sur la vie de Jo, l’auteur choisira de positionner le lecteur dans l’ignorance comme pour notre reporter. Il ne sait pas pourquoi il a été choisi et Yamaoka lui expliquera les raisons de son choix.


Le premier contact avec le candidat n’est pas fantastique, ce dernier se retrouve dans l’obligation d’assister à un double repas qu’il engloutira avec peine. Passer cette introduction paresseuse et pas crédible, l’histoire entre dans le vif du sujet qui est bien plus intéressant.


Jo découvre l’univers du candidat, sa famille, ses relations, ses privilèges et sa vision de l’Amérique. Difficile de déduire si ce dernier est du côté des gentils ou des méchants. Yamaoka apparaît comme un homme parfait, ambitieux, faisant partie d’une famille riche qui a des idéaux de justice pour tous. De plus il a fait la guerre du Vietnam et il en ressort plus que convaincu par ses idéaux.


Les élections américaines ont leur propre système, la première partie se porte sur la course à la primaire. Si un candidat remporte ce poste, il sera désigné candidat pour la présidence. Jo, en tant que journaliste, suivra de près Yamaoka et toutes les épreuves qu’il doit affronter. Pour cela KAWAGUCHI semble connaitre son sujet, et il ne manquera pas d’imagination. Il fera découvrir les coulisses de l’élection, les manipulations des partis et les masques que les candidats portent.


Yamaoka organisera des soirées pour toucher les personnes influentes, essayant ainsi de manipuler les voix. Il recherchera des scandales et autres points faibles pour faire chuter ses opposants. Il participe à cette course à l’information pour déstabiliser l’autre et mettre en place une stratégie d’attaque. Il devra aussi gérer les conflits familiaux avec son fils qui se sent écrasé sous la prestance de son père. Il devra démentir des accusations d’enfant illégitime. Ce sont quelques exemples des nombreuses situations qu’un candidat peut potentiellement affronter et mettrons le doute sur  la position morale du candidat sur la résolution de ces conflits.


Chaque État du pays aura son importance, mais certains pèsent plus dans la balance et il faudra réussir à faire passer ses idées en tant que futur président immigré dans un pays de « blanc ». Il abordera des sujets intouchables ou tabous comme les armes à feu ou les problèmes d’immigration.


Durant la campagne, la place du journalisme sera remise en question. Est-ce que Jo doit participer à la « fièvre » des élections? peux t’il se faire des amis dans le clan ? En cas de problème a t’il le droit de les aider? Devant certains actes du candidat, doit il de prendre parti? Peut il avoir une relation amoureuse avec une partisane ? Autant de questions qui remettent en cause son intégrité de journaliste.


Rapidement la tension monte, les premières élections arrivent et l’auteur rend cette dernière épique. Difficile d’arrêter sa lecture pour connaitre le résultat. Chaque action du candidat est une énigme dont les retombées sont dévoilées plus tard. Les personnages sont mêlés à des histoires qui les dépassent, et certaines vérités se font attendre. Cette dose d’action et de mystère rend l’oeuvre plus dynamique et la course à la présidence en ressort plus passionnante.


La mise en case est maitrisée, le mangaka joue avec la taille des cases, les perspectives sur les personnages et ajoute de l’intensité à leurs paroles.  On peut ressentir leurs émotions à travers leurs visages et leurs postures expressives. Leurs réactions renforcent l’immersion de l’oeuvre et le lecteur se laisse facilement emporter par la fièvre des élections. Les enjeux deviennent toujours plus importants et le passé sombre des protagonistes se dévoilent petit à petit.


Les sujets intéressants se cumulent, plus Yamaoka avance vers la présidence, plus les acteurs influents apparaissent. L’auteur permet de découvrir de façon romancé les rouages des élections et les épreuves qu’un candidat « peut » rencontrer. Découvrir le jeu de manipulation des politiques envers le peuple et envers leurs confrères permet d’être moins dupe sur les promesses électorales. Le manga permet de comprendre que la place de président est réservé aux privilégiés. Ce monde sans pitié démontre le jeu que les politiques doivent jouer pour atteindre le sommet, ignorant parfois la morale.


Toutefois malgré ses qualités, la narration n’en reste pas moins rigide. Un état à conquérir, un problème ou une personne à convaincre, et une fois terminé on recommence. Chaque problème se résout un par un, le rythme du manga en pâtit et c’est en dents de scie que l’on suit les aventures du potentiel président. Cette narration a l’avantage de traiter correctement chaque facette et chaque sujet des élections, mais l’oeuvre perd en réalisme.


Certaines intrigues ou relations amoureuses mettent plusieurs volumes avant de se révéler intéressantes. Plusieurs sujets auraient mérité d'être plus approfondi, et leurs dénouements restent souvent faciles. L’auteur aurai dû créé une histoire avec des intrigues liées entre chaque phase, quitte à perdre un peu le lecteur.


Le manga atteindra son apogée vers la moitié du récit avec la fin des primaires et peinera à réussir à remonter l’intensité du récit. L’intrigue de base se porte sur le lien spécial entre Jo et Yamaoka et de ce fait l’auteur accentuera l’action vers la fin de l’oeuvre. L’histoire se centre sur Yamaoka et non plus Jo, les derniers dénouements restent forcés et la course à la présidence passe en second plan.


Les personnages restent assez caricaturaux, et Yamaoka en fait parfois trop. Au final le plus gros défaut, c’est que l’œuvre, se soit focalisée sur une narration composée d’intrigues afin de rester un divertissement haletant, plutôt qu'approfondir le sujet des enjeux et des partis politiques américains afin de devenir La référence dans ce domaine.


Certes KAWAGUCHI réussit à conclure tous les mystères et intrigues autour des personnages et permet au lecteur d’avoir toutes les réponses, mais ce choix narratif reste décevant. De plus, le résultat présidentiel n’aura pas son dénouement épique comme aux primaires et le titre ne finira pas dans une phase intense côté élections.


Côté dessin c’est un trait ancien, typé de la fin des années 90. À part deux personnages, tous sont reconnaissables et les proportions sont maitrisées, mais parfois on ressent un manque de détails dans certains passages. Les décors sont détaillés grâce à la reproduction de vraies photos en dessins. Les cases ont toujours des trames de fond pour ne pas avoir de vide sans non plus être trop surchargés. Le trait n’est plus dans les standards d’aujourd’hui mais il va bien avec son époque et il donne un côté rétro pas déplaisant qui convient parfaitement à ce titre.


Le titre a connu une publication compliquée. Publié par les Éditions J’ai Lu en 2005/2006, le titre est arrêté au bout de 8 tomes sur 11 à cause de l’arrêt de l’activité manga de l’éditeur.
C’est en 2008 que Casterman republie en intégralité la série dans sa collection Sakka. Imprimé dans un format classique (env. 12x18cm), le manga a droit à une couverture amovible et un titre argenté sur chaque volume. L’édition est de bonne facture avec un papier épais mais manquant un peu de blancheur.
On notera que de nombreuses bulles sont collées à la reliure centrale qui rendent la lecture difficile sans plier son livre. Malgré cette re-édition, Casterman n’a pas réalisé des dossiers sur l’élection, ou des analyses plus poussées des différentes parties abordées par l’auteur. Dans l’ensemble c’est une édition très classique perfectible.


Conclusion :
Eagle est un manga atypique, réussissant à rendre passionnante voir épique les élections américaines. Ses intrigues et son action rendent l’oeuvre plus attrayante au dépit de certaines facilitées scénaristiques. Au vu des dernières élections Américaines, il serait dommage de ne pas découvrir les coulisses de ce monde de requins qui s’applique aussi à notre pays.

darkjuju
6
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le 5 déc. 2020

Critique lue 103 fois

darkjuju

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