Eden's Zero
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Eden's Zero

Manga de Hiro Mashima (2018)

Alors qu’Eden’s Zero est arrivé à mi-parcours chez nous en France (19 tomes au moment où j’écris ce texte), il est grand temps de faire un bilan sur ce qu’Hiro Mashima, mangaka controversé dont le public se compose de 2 extrêmes le plus souvent, a eu à proposer depuis l’achèvement de son manga le plus populaire.


Ce sont les mots d’un ancien fan de Fairy Tail qui a retourné sa veste au fur et à mesure des tomes, et d’autres découvertes en matière de Shonen Nekketsu (et Seinen) dans le même temps. Autant le dire de suite, je ne ferais pas de concession à ce que je considère être un parasite dans le monde du Shonen et surtout une véritable énigme puisque bon nombre de ses fans se sont accordés à dire qu’il avait franchi un cap et avait atteint le stade de la maturité.


Chose à laquelle j'y crois pas du tout. A peine ais-je réussi à voir quelques éclats rarissimes que tout cela se finit vite noyer par les tares habituelles, sauf que ça ne se limite pas qu’à ça : non seulement qu’Eden’s Zero n’est pas un bon manga (pour rester poli), mais je le trouve aussi manipulable quand on oublie sa forme et qu’on se penche sur son fond et comment il fonctionne pour conserver une fanbase. Fanbase qui, à mon avis, est soit manipulable, soit des jeunes lecteurs n’ayant pas encore eu beaucoup de lecture à leur actif et qui doivent encore mûrir, ou des obsédés de compétition quand la mauvaise foi ne s’en mêle pas.


Je m’attarderais pas plus que ça sur ce qui est évident avec l’auto plagiat d’Hiro Mashima au niveau du chara-design de ses personnages : beaucoup l’ont déjà fait que ça soit au sujet de Shiki qui a plus l’air d’un entrecroisement entre Natsu et Grey de Fairy Tail, de Rebecca qui a tout d’une Ellie 3.0, d’Erza dont je me refuse à employer son nom ici tant le foutage de gueule est évident, de Laviria et Harmit qui sont chacune une imitation bon marché de Wendy niveau design (celle d’Edolas pour Laviria, et celle de 12/13 ans pour la plus jeune), Homura qui semble être l’héritière spirituelle de Kaguya ou encore Witch qui a l’air d’avoir calqué son jolie faciès sur celle de Biska.


Par contre je m’attarderais davantage sur les partis-pris graphiques de Mashima en matière d’expression faciales et sa façon de concevoir ses antagonistes qui réussissent un exploit surprenant : celle d’être tous plus raté les uns que les autres. A force de cumuler les expressions faciales grotesques et cartoonesques avec des tirades sadiques sur le même thème (la discrimination entre humain et machine la plupart du temps ou les comparaisons de pouvoirs) et exagérément méchantes et limités, Eden’s Zero perd cruellement en variété du côté des bad guys et tombe dans une routine ou n’importe quel méchant sera visible de loin. Le manga met tellement l’accent sur leur cruauté sans donner des variantes, sans susciter de l’attente ou du mystère autour d’eux avant qu’il n’apparaisse, ou sans réussir à valoriser leur introduction et leur passif dans cet univers que tous deviennent au mieux oubliable, au pire d’un pathétique tape à l’œil : Muller le professeur sadique ayant fait tant de misère à Harmit et Jin, Shura Nero le sociopathe de compétition de la guerre d’Aoi Cosmos tellement montré et exagérément décrit comme mauvais que le méchant principal dans Golden Wind en rirait dans sa barbe, sans oublier la cupide Dame Ecarlate de l’arc Sun Jewell dont je peine à comprendre comment on peut imaginer un seul instant qu’elle ait pu avoir un lien maternel avec Homura tant il n’y a rien dans leur caractère qui puisse les rapprocher (les rapports familiaux sont un cas souvent exploré en manga et animé, mais là ça ne tient pas).


L’autre point qui laisse dubitatif une fois rendu à 19 tomes, c’est à quel point l’univers en elle-même réussit à faire un pas en arrière niveau présentation tant tout semble superficiel et simpliste. Et surtout avec si peu d’impact dans le quotidien de l’équipage ou de la guilde ou se trouve Rebecca en début de manga : autant je vais m’abstenir de trop juger le maître de guilde de Rebecca, autant… à quoi sert vraiment l’Armée de l’Union du Système solaire au final ? Comment s’est-elle formée ? De même pour les 6 généraux intergalactique alias les Oracion Seis (nom que Mashima continue de reprendre depuis Rave) ? A force de rester constamment sur un rythme constant et vif avec un sens du dialogue faible, on ne prend jamais suffisamment de temps pour s’intéresser au cadre et à l’univers dans lequel l’équipage de l’EZ évolue, ou alors de manière trop rare et pas toujours de manière superbement exécutée.


Car même en prenant en compte les quelques risques entrepris, Hiro Mashima n’arrive pas à comprendre que la notion de temps, le background et la durée sont essentielle pour qu’une tournure dramatique ait un impact, et j’en veux pour exemple : la mise à mort de l’équipage de l’Eden’s Zero durant l’arc Belial Gore qui est symptomatique du problème mais surtout de la faiblesse de Mashima en tant que mauvais conteur.


Dans le tome 10, Drakkhen Joe et sa clique neutralise facilement la bande de Shiki, mettent la main sur Rebecca et son pouvoir de voyage temporel en attente de réveil et Shiki se retrouve abattu d’une balle dans la tête. Pris comme tel, d’accord pas de souci, c’est inattendu sans être non plus neuf, on a déjà eu des situations similaires avec One Piece et l’arc Alabasta lorsque Luffy a été laissé pour mort par Crocodile, ou encore le départ de Norman vécu comme un bouleversement majeur dans les premiers tomes de The Promised Neverland.


Le souci c’est que dans le cas de l’arc Alabasta : Luffy mettait plusieurs dizaines de chapitres avant de revenir sur le devant de la scène avec un destin incertain et qui avait de quoi laisser les lecteurs incrédules et dans le doute totale (même en ayant vu Nico Robin le déterrer du sable, on n’avait aucune certitude à ce moment-là). Tandis que pour Norman, on a attendu plus de 10 tomes avant qu’il ne réapparaisse parmi les vivants et de manière crédible avec des indices et des raisons qui trouvaient leur sens avec l’univers de Posuka Demizu et Kaiu Shirai. Or ici, Mashima ramène Shiki et sa bande parmi les vivants dés le chapitre suivant (on aura beau parler de voyage temporel entre monde N° untel ou untel, ça revient au même), sans nous laisser jamais dans le doute ou même essayer de montrer un quotidien différent chez Rebecca une fois isolée et entre les mains du général intergalactique qu’est Drakken Joe et son organisation criminelle.


Et c’est là qu’on en vient à une autre tâche mainte fois dénoncé : le fan-service, et ce que j’ai envie d’appeler « le défilé de charme impromptue à la Hiro Mashima ». Dans le sens ou ce dernier ne va plus se contenter de recourir au fan-service de manière répétitif pour capter l’intention des lecteurs masculins, il va aussi s’en servir pour cacher tant bien que mal son manque d’idée et de volonté à faire durer une situation tragique et cacher ses défauts de scénariste.


Ici, histoire de détourner l’attention sur le fait qu’il ne veut pas faire durer un suspens ou une ambiance qui auraient mérité qu’on s’y attarde : il trouve le moyen de foutre Rebecca à nouveau en tenue d’Eve avec ses éternels planches voyeuristes, fait activer le vrai pouvoir de Cat Leaper et va jusqu’à foutre un plan en plongée sur celle-ci en pleine chute au niveau de son entrejambe sans ajouter les détails indésirables dans un Shonen pendant que son pouvoir s’active… pourquoi ? Vraiment, juste, pourquoi ? A part réveiller popaul de son sommeil ?


Autre démonstration de l’absurdité du fan-service ici : le tome 14, la bataille sur Foresta contre une unité spéciale de Poséidon Nero, un des 6 généraux galactique qui règne sur la galaxie Aoi Cosmos. Était-ce vraiment nécessaire de nous montrer Homura dans une scène de bain en plein milieu d’un conflit sur la planète alors que : ils n’ont aucune indication sur la situation de Rebecca qui était en plein affrontement quand ils l’ont quitté ? Ne pouvait-elle pas simplement se contenter de s’asperger les bras, les jambes et le visage d’eau pour apaiser partiellement ses brûlures et attendre d’être revenu sur le vaisseau au lieu de se la couler douce en plein milieu d’une bataille ? Je sais pas, mais c’est quand même de son amie dont il est question, y’avait rien qui justifiait un énième racolage dans le cas présent.


Et ce sans parler du Strip-poker entre Rebecca et Lyra qui aboutit sur du rien à part aguicher le public, et n'est pas sans rappeler le concours de mannequins entre Mirajane et Jenny. De l'aguichage pur et dur, mais sans rien derrière.


Ce que les défenseurs oublient souvent, c’est que ça n’est pas la présence en elle-même du fan-service qui est critiquable. Même les excellents manga (dont One Piece bien sûr, également My Hero Academia) et les excellents animés japonais y ont recours : par exemple Gurren Lagann et Kill la Kill qui ne s’en embarrassent pas, mais dans le premier pas c’est toujours à but comique et ça n’empiète pas sur les scènes 1er degré et dramatique, tandis que Kill la Kill le rapport au corps et aux thématiques ainsi que le style graphique plus rudimentaire et simple le rend présentable et il sait faire preuve de 2nd degré sur ce qu’il montre. Mais c'est pas le cas ici. L'autre souci sur ce point avec Eden’s Zero, c’est qu’Hiro Mashima est tellement férus en détails dans ses dessins et ses scènes de charmes à répétition que ça en est dégradant pour tout les rôles féminins sans exception (même Harmit n’y échappe pas). Ça n’est plus une récompense ni un leurre pour aboutir sur autre part, mais un moyen flagrant de cacher les faiblesses d’écritures tant celle-ci sont nombreuses.


D’autant que pour des rôles féminins autant considéré comme des femmes fortes par les fans, j’ai surtout l’impression que les gens oublient qu’avant d’être une femme ou un homme ça doit d’abord être un personnage fort qui se distingue pour ce qu’il est. Alors que dans les faits, le rythme est tellement flingué qu’on ne ressent jamais les difficultés qu’elles sont censés surmonter et si on cumule ça avec les plans suggestives et érotique (Homura notamment qui en fait souvent les frais), ça n’aide pas. Rien que Rebecca, elle ne part pas gagnante avec son statut de youtubeuse du futur en plus d’être un clone de Lucy et Ellie, ça ne s’arrange pas ici en plus d’être une Deux Ex Machina sur patte et d’être relégué au rang de spectatrice à l’utilité restreinte.


Il y a aussi une réelle difficulté à considérer cet équipage improvisé comme une vraie famille ou à considérer une réelle évolution chez bon nombre d’entre eux. A des rares exceptions comme le deuil d’Homura à la fin de l’arc Jewell et la douleur partagée entre Witch et Sister en toute fin du tome 8, on revient à ce problème de rythme qui ne sait pas se poser et semble vouloir faire rentrer tout ce monde dans un moule sans essayer d’arrondir convenablement les angles. Je cherche encore à comprendre à quel moment Jin a vraiment commencé à considérer l’équipage de l’EZ comme une famille de cœur alors qu’en toute vraisemblance, seule sa sœur a vraiment fait ce pas. De même, Laguna a davantage l’air présent comme un compagnon de circonstance, rien de plus. Encore une fois, tout dans la forme mais rien ou si peu dans le fond.


Puis vient l’arc que beaucoup brandissent comme argument ultime pour démontrer en Mashima un auteur qui a mûrit : la fameuse guerre d’Aoi Cosmos étalé sur un peu moins de 4 tomes (entre le 16 et le 19) contre Shura Nero et son équipe. Et je m’y attarde puisqu’elle comporte à la fois les rares améliorations et concentre également tout les problèmes qui se sont cumulés sur 19 tomes :

- le fait que Mashima assume enfin de faire mourir ses personnages, c’est une énorme progression en soi… seul problème, ces morts n’ont aucun impact voire très peu narrativement puisqu’une fois encore que ça soit le groupe de rebelle Oasis ou Creed de l’unité de Justice, on n’a jamais eu le temps de se poser davantage sur eux que ça soit en tant qu’équipe ou qu’individu.


A titre de comparaison, dans Kingdom de Yasuhira Hara : on a prit le temps de connaître et d’apprécier l’unité Hi Shin avec ses qualités et défauts, et chaque épreuve atroce apporté par la guerre et leurs rapports avec d’autres unités renforce notre empathie à leur égard, encore plus quand ils sont dans une impasse inextricable et les dialogues comme le rythme de chaque campagne militaire nous les font aimer de plus en plus. Là ou Eden’s Zero a déjà du mal à nous faire voir en Shiki autre chose qu’un héros de Shonen arrivé avec 20 ans de retard. Alors nous émouvoir avec la mort d’un rebelle lambda ou d’un représentant des forces de l’ordre dont le lien avec l’un des rôles principaux vient juste d’être évoqué, c’est... euh, mort ?


Sans parler des combats qui vont, au mieux, virer à la grosse bourrinade (le face à face entre Shiki et Shura vire à la vulgaire démonstration de force alors qu’avec un pouvoir de gravité, ce sont pas les idées qui manquent) ou au potentiel sous-exploité (l’ether de miroir de Milani et les reflets, mine de rien ça parait pas si mal et c’était déjà une base très bien exploité par Araki dans Jojo avec les stands de J.Geil et Illusio dans les parties 3 et 5, mais non, là c’est réglé en moins de 2 chapitres d’à peine 20 pages chacun, et encore), dans le pire des cas on a droit à un strip-poker entre Rebecca et Lyra qui virent à l’excuse de gros beauf pour se rincer l’œil à nouveau. Dés qu’il y a un semblant de stratégie et de tentative pour y insuffler autre chose que de la force brute bourrine et un rythme effréné en continu, ça s’arrête aussitôt et ça ne rend la lecture que plus frustrante.


S’il faut vraiment parler d’une mort un temps soit peu correcte, c’est celle de Witch : elle qui était présente depuis le début au sein de l’EZ avant le retour de Sister et Harmit, son sacrifice et la place qu’elle est censé occuper au sein de cette famille recomposée sont convenablement retranscrite malgré l’hypersexualisation qui n’a toujours pas foutu le camp. Pas au point d’émouvoir mais comme pour l’arc autour de Walkyria, c’était correcte. Néanmoins c’est insuffisant pour considérer cet arc comme un pilier phare pour dire qu’Eden’s Zero est un pas pour son auteur. J’ai plus envie de dire que ça l’est mais pour de mauvaises raisons.


Et ça n’est pas en se sachant sur un sous-texte métaphorique de discrimination pour myopes et attardés entre humains et machines que ça va gagner des points. Quand un énième méchant nous ressort à la longue la même tirade sur l’absence d’âme et d’émotion des machines et qu’on a en face un membre de l’EZ le contredisant, ça devient vite un jeu à boire. Aucun entre-deux ni variation de ton ou de point de vue n’est proposé tant tout est encore plus manichéen que dans Fairy Tail, même du côté de l’alliance intergalactique avec Justice et compagnie ça se foire.


Alors que pourtant… il suffirait de pas grand-chose pour qu’Eden’s Zero soit au minimum potable ou même sympathique : la première serait de s’attarder davantage sur plusieurs petits concepts explorés et qui font parties des points prometteurs sur lesquels broder et creuser la thématique centrale d’EZ (l’arc Digitalis est un énorme raté mais elle avait un immense potentielle : confronter Shiki et les androïdes du vaisseau aux formes de vie numériques dépassant la simple simulation d’émotions, c’était aussi fantaisiste que prometteur ; sans oublier le croque mi-temps ce dragon de l’espace capable de dévorer le temps d’une planète pour la ramener un autre état dans le passé), cela aurait déjà un énorme plus. Donner une vraie motivation plus forte aux membres d’équipage de l’EZ (en dehors de retrouver Mother, sorte de génie suprême du Cosmos qui compose le fil rouge) qu’être de simple faire valoir ou compagnon de circonstances bon à balancer les généralités sur la famille et l’amitié aussi afin qu’ils gagnent en consistance, et surtout engager un dialoguiste pour rendre cet aspect moins simpliste et une fois encore améliorer le rythme du manga. Rien qu’avec ça, on gagnerait en dignité et en intérêt, la beauté du dessin et du trait sont toujours là c'est indiscutable et couplé avec ces corrections, ça serait déjà plus buvable.


Mais non, dans ce que ça donne, c’est juste lamentable et ça m’attriste de voir qu’on donne de l’importance à un sous-Shonen comme Eden’s Zero alors qu’il n’a rien une fois qu’on creuse au-delà des beaux dessins et des magnifiques décors : entre un fan-service servant de cache-misère grossier pour les talents de conteur de Mashima et dans l’excès, un récit d’héroïc-fantasy spatial sans aucune notion de rythme, une galerie de personnages creux ou seule la beauté de la forme prévaut sur le fond que ça soit du côté des héros ou des méchants tous plus fade ou nulle les uns que les autres (Nijuna putain mais, Nijuna : on atteint le fond en matière de rôle féminin chez Mashima là… quant à Ziggy je n’ai même pas envie d’en parler), et des combats expéditifs ne sachant jamais vraiment exploiter son rare potentielle, rien de surprenant à ce qu’il stagne au niveau des ventes et qu’il fasse encore l’objet d’une guéguerre numérique entre les haters, les fans hardcores et un entre-deux ou personne ne ressort satisfait d’un débat.


Et j’espère sincèrement que d’ici une dizaine d’année quand on reparlera de la génération des Shonen Nekketsu des années 2010/2020, on se souviendra davantage de My Hero Academia, Jujutsu Kaisen, Dr.Stone ou The Promised Neverland plutôt que d’Eden’s Zero dont le seul mérite en dehors de sa patte graphique, ça aura été de prouver le statut de gros hypocrite d’Hiro Mashima et de mettre en valeur des gamines pré-adulte juste là pour exciter les lecteurs et conserver sa fanbase d'origine. Rien d'étonnant à ce qu'on le désigne comme du manga fast-food ou un énième sous-One Piece au final.


Maxime_T__Freslon
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le 31 mai 2022

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