Oh que je n'ai jamais été autant d'accord que Lucky Luke himself pour ses propos de fin d'aventure. Cet album un peu atypique de notre cow-boy préféré semble à bien des égards surcoté.
Certes l'ambiance néo-orléanaise et bateau à roues à aubes (autrement dit à vapeur) donne un certain cachet à cet album avec un Morris qui sort de ses habitudes far west. Le fait qu'on suive une course (inspirée de faits réels) entre deux bateaux sur un fleuve donne du dynamisme et confère à l’histoire un rythme globalement enlevé. Ok, Ned, le pilote mythomane de la "Daisy Belle" est un personnage sympathique et les trois planches du pistolero Pistol Pete, chargé de descendre Lucky Luke, ont une certaine classe.
Mais c'est bien tout (c'est pas mal vous me direz, d'où le 5).
Sorti en 1961, l'album regorge de clichés bien malheureux sur les personnes noires. Je veux bien entendre que c'est le reflet d'un mode de pensée partagé de l'époque (même si Tintin au Congo date de 1931...30 ans avant donc) ou qu'en 1870, époque des faits, les inégalités en Louisiane sont terribles. Mais était-ce une raison pour présenter en planches 6 à 9 des travailleurs noirs fainéants et peureux au possible, dormant même quand ils marchent et déchargent les balles de coton, ou encore Sam, servant le café mécaniquement à Ned avec un grand sourire béat en disant constamment "Café Boss ?".
Si l'on fait abstraction de ce sujet, dont les repreneurs se sont "rattrapés" 60 ans plus tard avec Un cow-boy dans le coton, l'album a par ailleurs peu d'intérêt. Les méchants sont en mode mineur, l'humour se fait rare et mis à part le racisme affiché malgré lui, l'album ne donne pas à penser plus que cela.
Ceux qui aiment, comme Lucky Luke, le grand ouest et les desperados charismatiques qui ont braqué des banques ou des diligences, ceux qui attendent un album dont seul Goscinny arrive à nous pondre un scenario mêlant action, réflexion et humour, ceux-ci peuvent s'octroyer un petit trajet sur le Mississippi pour le délire et le changement, pas plus.