Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, à force de parcourir les sites de critique, j'ai de plus en plus de mal à être surpris par une œuvre. (Dans le bon sens comme dans le mauvais.)
Pourtant, même si l'on écume plusieurs avis sur le même titre, il peut arriver qu'une œuvre parvienne néanmoins à nous atteindre. Après tout, vous et moi pouvons avoir des opinions similaires mais une sensibilité différente non ?
Quand on m'a prêté Héraklès, un ami m'a dit "tu verras ça va te plaire" ; c'était peu dire.
Commençons par l'évident, cette trilogie raconte la vie du héros grec. J'insiste sur ce terme car, contrairement à beaucoup d'autres œuvres, cette dernière n'est pas focalisée uniquement sur les 12 travaux. (Pour vous donner un aperçu, ils sont expédiés dès la moitié (2/3) du 2e tome et sont, par moments, coupés par d'autres faits héroïques.)
Dès le départ, l'auteur prend donc le parti de raconter ces travaux non pas comme une fin en soi mais bien comme un moyen pour Alcide de réaliser autre chose. Second effet kisscool pour le lecteur, vous comprenez très vite que l'intérêt n'est pas dans l'histoire (ou son déroulement) mais dans la façon dont chaque étapes va être abordées. Où pour être philosophique : "Dans un voyage, l'important ce n'est pas la destination, c'est le chemin que l'on emprunte pour y parvenir."
Et à ce titre, Édouard Cour aura des bonnes idées tout au long de son parcours.
La première (que l'on constate dès la couverture du tome 1) porte sur la partie visuelle. Indépendamment du fait d'aimer ou non le trait de l'artiste, son coup de génie est d'avoir su donner à l'ensemble de sa série, un visuel qui rappelle ceux des poteries ou fresques antiques. Entre ça et la police employée dans les phylactères, l'imaginaire du lecteur est immédiatement transporté dans la Grèce Antique.
En parallèle, bon nombre de situations sont traitées de façon décalées avec un regard moderne qui conserve néanmoins des éléments "traditionnels". Un très bel exemple (non limitatif) est l'expression "tu me casses les orkis" (traduction évidente) que le héros répète plusieurs fois. Grâce à ce genre d'anachronisme, Héraklès en ressort beaucoup plus humanisé (aux yeux d'un lecteur contemporain) et, de fait, plus attachant. Personnellement je lui trouve un mélange de Marv (Sin City) et Fernand Naudin (Les Tontons Flingueurs).
Concernant la mise en scène et le déroulement de l'action, ces derniers sont réalisés de manière très sobre. Pas d'héroïsme exacerbé ou de fantastique à foison ; on reste, une fois de plus, dans une vision très humaine d'un personnage qui porte un regard très simple sur sa force hors-norme.
Autre aspect très agréable, en fin de chaque tome vous trouverez une sorte de glossaire des personnages croisés au cours de la BD ainsi qu'une carte qui détaille les itinéraires d'Héraklès au cours de ses périples. Outre l'intérêt des informations apportées, cela aide à avoir une narration qui introduit énormément de personnages "célèbres" sans qu'il soit besoin de les présenter durant l'intrigue.
En définitive, plus que le fond, ce qui m'a plu dans cette œuvre c'est cette accumulation de détails extrêmement bien pensés. L'auteur ne cherche pas à réinventer le mythe mais "simplement" à le raconter à sauce. Du début à la fin on suit le personnage d'Alcide comme un compagnon de route. Tantôt impressionné, tantôt attendris, il est, au final, très dur de rester complètement imperméable au destin de cet homme que l'on en vient à considérer presque comme un pote.
[J'ouvre un encart pour saluer également le sublime travail concernant la Gigantomachie. Pour traiter cette grosse partie de la vie d'Héraklès, Édouard Cour a choisi le cross media. Dans le dernier tome, vous trouverez en bas de page, un lien vers un site qui raconte cette épopée de façon animée et au son du morceau de musique le plus vieux au monde. Si mon côté fétichiste déplore l'absence de support matériel, force est d'admettre que ce choix a permis de traiter ce passage de façon original et sans casser le rythme de fin de la série.]
Pour conclure, voici un titre dont je vous recommande vivement la découverte. S'il fallait lui trouver un défaut (pour la forme) je citerai le glaçage des pages qui peut rendre la lecture pénible lorsque les illustrations sont trop sombres.
Quoiqu'il en soit, à l'heure où l'art est parfois noyé dans une surabondance de moyens, Héraklès nous prouve qu'une accumulation de petits riens peut suffire pour surprendre et faire mouche.