Merci Luz !
La nuit dernière, j'ai rêvé que je croisais Luz à une soirée. Je lui ai dit à quel point j'avais aimé Indélébiles, il m'a répondu "Ah, t'as trouvé que c'était bien gribouillé ?". En lisant...
Par
le 24 janv. 2019
5 j'aime
En prenant Indélébiles de Luz à ma médiathèque parmi d'autre BD , DVD, CD et bouquins je n'avais pas vraiment calculé que sa lecture quelques jours plus tard coïnciderait avec le triste dixième anniversaire des attentats contre Charlie Hebdo. Je ne sais pas si concordance des temps entre lecture et actualité a fait office de caisse de résonance mais les 320 pages de Indélébiles m'auront laissé le sourire aux lèvres et les larmes au yeux.
Indélébiles raconte un peu le parcours de Luz à Charlie Hebdo, le livre débute par une séquence des plus banal avec l’arrivée de Luz à la rédaction de Charlie comme n'importe lequel des travailleurs qui va au boulot. Une réalité teinté d'étrange qui va s’avérer être un rêve qui réveille soudainement le dessinateur en pleine nuit et se transforme en cauchemar , celui de la réalité. Au cœur d'une nuit bleue d’insomnie entre deux bières et un tour aux chiottes, Luz va plonger dans ses souvenirs.
Indélébiles ne comporte que quelques pages en couleurs et ce sont paradoxalement celles qui racontent la nuit d’insomnie de Luz dans de jolis lavis d'encre bleus et noirs donnant à l’intimité nocturne tout son étrange et froide douceur. Ces intermèdes permettent également de clairement chapitrer les différents souvenirs qui se bousculent dans l’esprit de l'auteur et dessinateur. De son arrivée à Paris avec quelques dessins sous le bras, aux conférences de rédactions pour choisir la couverture en passant par ses reportages au sein des jeunes du RPR, en Bosnie ou dans une prison ségrégationniste des USA, Luz ne fait pas que se raconter, il raconte ce qu'est un dessinateur satirique de presse presque au quotidien. Sans le moindre pathos, Luz a compris que plus il s'attacherait à décrire la légèreté déconnante et pleine de vie de la rédaction de Charlie plus il rendrait bouleversante la réalité que nous connaissons tous. Et on se marre franchement beaucoup et souvent à la lecture de Indélébiles, et plus on rigole et plus on a envie de pleurer dans une étrange symétrie des sentiments, comme si le livre tout entier était ce rêve dans lequel ils sont encore tous là, bien et bons vivants à s'amuser de tout avec toute l'insouciance des sales gosses. Une séquence de dédicace dans un festival de bande dessinée, un nouvelle photocopieuse ou un cours de dessin d'anatomie anthologique donne naissance à des moments qui m'auront vraiment beaucoup fait rire. A fil des pages Luz rend des hommages discrets mais tellement doux et sincères à la plupart des disparus de Janvier 2015, les frangins Charb et Tignous, le vénérable Wolinski, Honoré, Elsa , Bernard et Mourad.
Mais au fil des 320 pages remplies jusqu'à la gueule d'humour, de tendresse et d'émotion c'est peut être la touchante relation entre Luz et son mentor Cabu qui finit par prendre le dessus. Cabu qui semble avoir pris Luz sous son aile bienveillante dès son arrivée à Paris, Cabu qui lui apprendra sa fameuse technique pour dessiner dans sa poche, Cabu vers lequel Luz ne cessera de cherche la validation, les conseils et l'approbation pour progresser dans l'art de la caricature. Petit bonhomme discret avec sa coupe de cheveux si caractéristique Cabu est croqué par Luz au fil des pages avec une immense tendresse. Sorte de mentor et de sage absolu , Cabu sait comment encrer sans se tâcher les doigts, comment jouer de la gomme sans faire trembler les tables, comment croquer les personnalités avec férocité, comment dessiner discrètement dans sa poche, comment être un génie de la caricature et restant simple et humble. Loin des coups de gueules de Riss, des blagues potaches de Charb et Tignous, des interrogations de Luz, Cabu traçait son petit bonhomme de chemin avec la discrétion et la simplicité qui le caractérisait. Luz le dessine donc souvent un peu à part, un peu en marge de l'agitation, toujours studieux et penché sur un dessin, toujours calme et bienveillant, toujours si juvénile, positif et enfantin dans sa candeur aux autres. Comment as t-on pu considérer que ce mec pouvait être un méchant à abattre ?? . Une fois terminé Indélébiles je suis revenu à ses premières pages et ce dessin ou l'on voit Luz à une fenêtre qui regarde s'éloigner en contre bas la silhouette Cabu sans pouvoir la retenir, l'art du dessin c'est souvent de synthétiser des moments complexes dans la simplicité d'un trait et face à Luz regardant impuissant s'éloigner son mentor et ami sans pouvoir lui dire au revoir, j'ai chialé …
Des BD sorties comme autant de témoignages et catharsis des attentats de 2015 il y-en a eu quelques unes de La Légèreté de Catherine Meurisse à Dessiner Encore de Coco en passant par Catharsis du même Luz, pourtant aucune n’atteint le niveau d'émotion et de frissons que procure Indélébiles peut être parce que célébrez à quel point ils étaient drôles et vibrants quand ils étaient vivants est le moyen le plus douloureux de nous faire ressentir à quel point ils nous manquent aujourd'hui, et lorsque les beaux souvenirs nous font sourire autant que pleurer c'est que depuis ce jour certains cœurs sont emplis à jamais d'une profonde et indélébile tristesse.
Créée
il y a 3 jours
Écrit par
D'autres avis sur Indélébiles
La nuit dernière, j'ai rêvé que je croisais Luz à une soirée. Je lui ai dit à quel point j'avais aimé Indélébiles, il m'a répondu "Ah, t'as trouvé que c'était bien gribouillé ?". En lisant...
Par
le 24 janv. 2019
5 j'aime
Un livre évidemment très émouvant qui nous replonge dans l'épopée Charlie avec tout l'attachement affectif de Luz à ses mentors (particulièrement Cabu) et ses compagnons (Charb en jumeau...
le 21 mars 2019
3 j'aime
En prenant Indélébiles de Luz à ma médiathèque parmi d'autre BD , DVD, CD et bouquins je n'avais pas vraiment calculé que sa lecture quelques jours plus tard coïnciderait avec le triste dixième...
Par
il y a 3 jours
Du même critique
Depuis longtemps, comme un pari un peu fou sur un avenir improbable et incertain , Clément filme de manière compulsive et admirative son frère Aurélien et ses potes. Au tout début du commencement,...
Par
le 16 oct. 2021
76 j'aime
5
Nouvelle série création pseudo-originale de Canal + alors qu'elle est l'adaptation (remake) de la série américaine Burning Love, La Flamme a donc déboulé sur nos petits écrans boosté par une campagne...
Par
le 28 oct. 2020
55 j'aime
5
J'attendais énormément de La Meilleure Version de Moi-Même première série écrite, réalisée et interprétée par Blanche Gardin. Une attente d'autant plus forte que la comédienne semblait vouloir se...
Par
le 6 déc. 2021
44 j'aime
4