Jin fin
Il y avait moyen d'aller loin avec cette histoire de voyage dans le temps à la Life on Mars mêlée d'intrigues médicales et de docucu historique. Jin, c'est finement dessiné, finement documenté, mais...
le 30 nov. 2010
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[Série découverte lors d'une exposition, d'ailleurs assez médiocre, sur le manga au musée Guimet en 2010, mais où il proposait tout un tas de manga en lecture libre à la fin ; je m'étais juré de revenir sur la série, qui était vraiment accrocheuse, après avoir lu là-bas les 4 ou 5 premiers tomes ; ce n'est que récemment que j'ai tenu cette promesse faite à moi-même en relisant petit à petit toute la série en bibliothèque - le manga date de 2000/2001, était édité chez Tonkam, et est devenu, j'en ai peur totalement introuvable dans le commerce aujourd'hui...]
Une série médicale "à l'ancienne", comme j'en ai croisées pas mal dans les années 2000 (coucou Dr Koto!), avec un très fort aspect drama et historique, le tout saupoudré d'une petite dimension fantastique, pour justifier le point de départ du récit, soit l'arrivée miraculeuse à la fin de l'ère Edo, d'un neuro-chirurgien ultra-doué de notre époque (avec cette problématique tout du long en toile de fond: mais va-t-il réussir à transposer ses connaissances médicales modernes dans la société de cette époque, avec le peu de moyens dont il dispose en arrivant?). Le récit frappe rapidement, dans le bon sens, par ses ambitions narratives: plutôt qu'être un espèce de Black Jack génial mais finalement isolé dans sa nouvelle époque, le médecin en question va bien remettre en question toute la connaissance scientifique de son temps - avec des implications de grande ampleur, épistémologiques et politiques. Jin doit aussi rapidement faire face (dans les premiers tomes) successivement à des épidémies de rougeole et de choléra. Étant personnellement très sensible au sujet de ces maladies contagieuses qui dévastaient la planète avant les grandes découvertes pasteuriennes, cette œuvre est pour moi de salubrité publique en ce qu'elle nous montre en détail les conséquences dramatiques de ces fléaux heureusement largement oubliées aujourd'hui (notamment par les anti-vaccins inconséquents...). Ah, qu'il fait bon vivre à notre époque!
Le manga est certes long, sûrement trop (là aussi comme beaucoup de séries de cette période): sur un total de 20 tomes, 5 ou 6 n'étaient sans doute pas nécessaires. La série connaît notamment un trou d'air important en son milieu, où les choses commencent à traîner en longueur, avec un sentiment de répétition et de routine qui s'installe inexorablement, la série tirant un peu trop alors vers le pensum médical, avec ses opérations (hyper-détaillées et réalistes) à répétition; on a alors un peu l'impression de lire une encyclopédie des maladies et afflictions diverses et variées qui affligeaient la population au XIXe siècle au Japon. Dans les premiers tomes, le médecin Jin a également un côté surhomme assez agaçant, ne loupant quasiment jamais une opération, même lorsque celle-ci s'avère plus que compliquée (pour ne pas dire plus) dans les conditions de l'époque (heureusement, ce défaut sera largement corrigé à partir de la moitié du récit, où le récit médical prend un tournant plus "réaliste", se focalisant davantage sur la fragilité et la souffrance humaine face aux limites de la médecine de l'époque). On peut également regretter que la relation entre Jin et Saki fasse sérieusement du sur place jusqu'à la toute fin du récit, alors que tout les pousse évidemment dès les premiers tomes dans les bras l'un de l'autre...(mais là encore, il s'agit d'un défaut ultra-courant dans les manga "drama" de l'époque: re-coucou Dr Koto et tant d'autres...).
Cela étant dit, on s'attache toutefois énormément aux personnages, dont beaucoup vont avoir un destin tragique dans la période tourmentée et complexe (en particulier pour les Occidentaux comme moi) qui sert de cadre au manga, soit le Bakumatsu, phase de transition entre la fin de l'ère Edo et l'entrée dans la période Meiji (ce qui correspond à la période 1853-1868). La qualité de la retranscription de la société japonaise d'alors et des événements de ces années-là est par ailleurs juste phénoménale, extrêmement vivante et précise, et suffirait à justifier la lecture de ce manga pour quiconque s'intéresse un tantinet à l'histoire du Japon (au-delà même de la dimension médicale qui reste néanmoins prépondérante, surtout dans les 3 premiers quarts du récit). Mais au fil des tomes, l'auteur délaisse (avec raison je pense) de plus en plus les intrigues médicales (et toutes les opérations qui vont avec) pour développer davantage la dimension historique de son manga. On ne fait pas plus agréable comme cours d'histoire! L'auteur approfondit alors, dans les derniers tomes du manga, encore plus certains de ses personnages principaux, en leur donnant une véritable envergure dramatique (la belle Kozane, l'ami du héros Ryôma, le fils de la famille qui l'avait accueilli au premier tome, etc).
La conclusion referme de façon, disons convaincante, bien qu'alambiquée (mais bon, on le voyait venir), la trame principale ("explication" des aller-retour temporels),
même si l'auteur force un peu trop sur le méga-happy-end, auquel on ne s'attendait d'ailleurs plus vraiment, arrivés à ce stade de l'histoire; en cela, le mangaka fait d'ailleurs fort en concluant son principal triangle amoureux de façon plutôt "originale": le héros finira par s'acoquiner avec ses deux principales prétendantes (ou tout du moins dans un des deux cas avec sa descendante directe qui est son portrait craché)...mais dans deux fils temporels distincts (!!!). Et comme on dit, coucher dans une époque différente, ce n'est pas vraiment tromper! Well done Dr Jin j'ai envie de dire! ;-)
Au final, on a donc affaire à une série d'une belle constance dans ses qualités (dessin détaillé et précis, véritable profondeur dans les représentations médicales et historiques de la période, belle capacité à construire des personnages véritablement attachants, etc.), que je recommande donc sans ambiguïté, même si elle représente effectivement un investissement non-négligeable en temps pour en venir à bout et bien qu'elle connaisse certaines longueurs (sans doute largement évitables) en son milieu.
Quel dommage en tout cas qu'aucune autre œuvre du mangaka ne soit jamais sortie par chez nous!!!
Après, j'imagine que la série n'a jamais été un carton commercial pour Tonkam. Merci donc à cet éditeur d'avoir au moins fait l'effort (pas comme certains...) d'avoir publié la série jusqu'au bout!
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Créée
le 11 févr. 2019
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