L'Âge d'ombre : L'Intégrale par Messiaenique
Il s’agit d’une bande dessinée réalisée avant la série du Monde d’Arkadi, présenté comme un recueil de nouvelles, de contes de quelques pages à peine, où se mêlent une nouvelle fois magie et technologie, violence et contemplation. Réalisés entre 1982 et 1984, les deux tomes de L’Âge d’Ombre nous renvoient dix mille ans dans le passé de sa série phare. Osons à nouveau l’analogie avec Tolkien, en parlant d’un genre de Bilbo le Hobbit de Caza, puisque c’est à partir de là qu’il créera tout son univers. Empruntant à l’univers de Stefan Wul, le dessinateur narre plusieurs histoires ayant une relation avec les Oms.
L’Âge d’Ombre commence avec un jeune homme rêvassant quant aux formes des nuages. Comme un enfant, il leur cherche une homogénéité, une signification, avant d’être tiré de ses songes par un orage de pluie empoisonnée, le contraignant à porter une combinaison radioactive. Le ton est donné. Le climat de la planète est hostile. On sent déjà poindre les thèmes récurrents de la plupart des œuvres publiées chez Les Humanoïdes Associés, qui se développeront à travers des contes variés : un du joueur de flûte qui précipite les Oms à leur perte, une vision des vertus magiques et mystiques de la mandragore qui pousserait au pied d’un pendu, ou la simple histoire d’amour impossible entre deux êtres que pourtant tout devrait réunir.
Sans surprise, la nature reprend ses droits de manière violente et implacable sur un monde dont la civilisation paraît figée, contrastant avec les forces vives qui animent des créatures plus obscures. Les Oms sont craintifs, végétatifs. Leur mutisme est absolu. Comme les statues qu’ils ont érigées, ils sont enclavés au sein de villes fantômes aux structures architecturales parfaites, des cités de pierres angulaires réputées inviolables. Les héros de ces histoires de L’Âge d’Ombre sont des exclus, des marginaux cherchant une révolution, qu’elle soit en leur for intérieur ou extériorisée à outrance à travers une violence sans nom.
Le message est clair. Les craintes des hommes leur font affronter ou ignorer la richesse d’une nature qui leur semble hostile, malgré les bienfaits qu’elle peut leur proposer. On pourrait croire les volumes moins riches qu’une épopée héroïque ; on ne peut en revanche reprocher à Caza un manque d’homogénéité dans son projet. Pour une fois, on évite l’échelle épique en privilégiant de courts poèmes visuels. Car tous les thèmes des grandes œuvres, pour paraphraser Paul Fort, « on les retrouve en raccourci » dans celles de moindre envergure, dont cette suite de contes futuristes et dystopiques fait partie.
Bien que relativement méconnu en dehors des circuits des bédéphiles, Caza est un auteur de génie aux travaux reconnus par ses pairs. L’année suivant la publication du premier tome, il devient récipiendaire du prix suédois Adamson qui le récompense pour ses Scènes de la vie de banlieue, rejoignant ainsi d’illustres pères de la bande dessinée (Crumb, Hergé, Goscinny, Franquin, Moebius, etc.). En 1988, soit cinq ans plus tard, Caza travaillera à la réalisation d’un long-métrage d’animation, Gandahar, aux côtés du célèbre René Laloux.
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