Brillante suite au premier tome, "Blast, tome 2 - l'Apocalypse selon Saint Jacky" sort des gongs policiers ayant ponctué les débuts de l'affaire Polza. Le duo de flicaille a décidé de porter un certain intérêt envers les propos de l'accusé, quelles que soient leur plausible abstraction ou leur potentielle fabulation. Polza s'étale alors davantage sur ses convictions d'ermite en recherche d'une vie nouvelle.
La majeure partie du livre relate le bout de chemin qu'a accompli Polza aux côtés de Jacky, une espèce de sacro-saint distribuant la drogue là où elle ne peut guère arriver autrement : ses lectures intimistes au chaud du souterrain comme ses prises d'héroïne, ses nombreux traumatismes corporels comme le meurtre abominable que commet ledit Jacky, toute cette partie non-dissimulée de sa vie est racontée comme étant l'une des meilleures de son périple.
Cependant Polza est de plus en plus mal en point durant ce tome & on perçoit que la résistance du bonhomme ne va pas subsister très longtemps : ses blasts peuvent être atteints sous drogue, il se fait tabasser, marteler le crâne, il saigne du nez, subit des chocs mentaux qui lui font ressasser ses souvenirs les plus ténébreux (le fantôme de son père mourant auprès de lui dans son lit ; le cadavre à la tête défoncée de son frère juste après l'accident de voiture). Mais chaque fois, inéluctablement, Polza se retrouve devant l'immensité de ce Moaï, ou en face du regard intransigeant d'un éléphant, celui qui n'oublie jamais rien, dont la vie & dont l'aspect restent à jamais gravés en lui..
A travers des noirs intenses, des blancs éclatants & des gris enivrants, Larcenet dessine clairement ce doute quant à la réalité, cette réticence à l'acceptation de soi, le corps comme unique instrument de ressenti, mais rien d'autre. Polza recherche chaque fois, à travers les blasts colorés, l'évasion possible de cette réalité intangible vers une autre, plus extatique, comme un exutoire. Ces blasts sont rares & emmènent le lecteur vers des dimensions inconnues (ou méconnues), dimensions encore plus accentuées grâce à leur contraste avec l'enveloppe corporelle de Polza, qui ne reste qu'une figure lugubre, glacée, charbonneuse, inquiétante, hésitante (comme le trait de Larcenet qui, malgré sa précision, tend à "trembloter" quelque peu histoire, d'après moi, de représenter l'instabilité de notre réalité).
Ainsi est né ce magnifique roman graphique, vantant les mérites, en quelque sorte, de l'ermitage, de l'érudition, de la confiance mutuelle, de la méfiance automatique. Polza plus que jamais la carcasse en décomposition présentée à travers le premier tome, je suis quelque peu pressé quant à la suite..
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