Œuvre phare d'Hiroaki Samura, l'habitant de l'infini dont la publication japonaise débuta en 1993 nous parviendra en France en 1995 sous la bannière de l'éditeur Casterman.
Cette première édition fût malheureusement stoppée au bout de 9 tomes.
C'est donc bien des années plus tard que Casterman retente le coup via sa collection Sakka.
Collection de qualité, destinée à un public averti qui offre des récits matures et d'auteurs (le nom même de cette collection signifie auteur).
L'habitant de l'infini a droit cette fois ci à la parution complète de son histoire en 30 volumes.
L'histoire nous transporte en 1770, à l'ère Edo où Lin Asano, une jeune fille assiste impuissante à la mise à mort de son père et le viol de sa mère par des membres de l'école du Ittô-Ryû à cause d'un vieux différend.
Nous retrouvons 2 ans plus tard une Lin dévastée par le chagrin et avide de vengeance mais qui par les conseils d'une vieille dame immortelle prendra conscience de sa trop grande faiblesse pour parvenir à ses fins sans l'aide d'un bras armé d'une puissance suffisante pour anéantir le Itto-Ryû.
Cet homme providentiel se nomme Manji. Ancien samouraï, jadis au service de son maître, le seigneur Horii, il finira par prendre conscience de la cruauté de ce dernier envers la population locale qu'il n'hésite pas à occire via le sabre de Manji.
Notre samouraï choisira la justice à la loyauté et finira par tuer son maître et 99 de ses soldats.
Événements qui amèneront leur lot de conséquences personnelles terribles…
Au bord du suicide, Manji fera la rencontre de la vieille dame aux cent huit années qui le dotera alors du pouvoir de l'immortalité en lui faisant don du Kessentchû : le ver de l'immortalité.
Les premières pages nous présentent alors un Manji devenu ronin emplis de remords en quête de rédemption.
Manji est fatigué de tuer et aspire à une vie plus calme dans laquelle son sabre resterait dans son fourreau.
Une scène dans laquelle Manji tente d'échapper à la violence d'un combat me vient tout de suite à l'esprit. Il déclare alors à son adversaire : "je n'ai plus l'intention de continuer à être un tueur"
Sa rencontre avec le jeune Lin nous permet de deviner une personnalité protectrice et plus chaleureuse qu'il n'y paraît malgré la brutalité qui le caractérise.
Ce premier tome pose les fondations d'une relation prometteuse et nous offre déjà son lot de combats féroces et nous permettent de voir la puissance du kessentchû qui autorise Manji à survivre à des coups pourtant mortels, voire même de recoller ses membres tranchés.
Manji le dit lui lui-même : " depuis mon immortalité mes compétences de sabreur ont diminué".
Il se repose en effet régulièrement sur sa capacité d'immortel en l'intégrant même dans ses stratégies de combats sans hésiter à prendre des coups volontairement si ces derniers lui permettent de prendre l'avantage sur son opposant.
Disposant sur lui d'une dizaine d'armes différentes, autant vous annoncer que les duels virent souvent au carnage.
Le trait de Samura sublime son propos.
Entièrement dessiné à l'encre de Chine les dessins ont un rendu organique qui flatte la rétine.
Le mangaka se laissant parfois aller à dessiner sur une pleine page pour notre plus grand plaisir.
Très détaillé, le dessin rend honneur aux combats et nous montre à quel point la formation de médecin de Mr Samura est utile sur les scènes demandant une précision anatomique démente.
Ce premier tome se dévore littéralement. La narration limpides sait intégrer les flash-back sans alourdir le propos.
Samura n'est pas dans l'explication à outrance et fait confiance à son lecteur.
Hâte de lire le 2ème tome.