Qui prend encore le temps, aujourd'hui, de grimper à un arbre en pleine ville ? D'observer les oiseaux, ou de jouer dans les flaques d'eau après la pluie ? D'aller jusqu'à la mer pour lui rendre un coquillage dont on ne sait comment il est arrivé chez soi ? L'homme qui marche, que l'on apprend à connaître à travers ses balades, souvent muettes et solitaires, rencontre parfois un autre promeneur avec qui partager, en silence, le bonheur de déambuler au hasard.
Voilà le postulat que nous offre Jiro Taniguchi avec son Homme qui Marche ; des balades servant à ce dessinateur vagabond de saisir des petits moments de vie, des petits riens, qui assemblés nous montre la grandeur du décor qui nous entoure, et pour profiter de toute cette grandeur, il suffit tout simplement de prendre le temps !
L'homme qui marche nous raconte les pérégrinations d'un quidam extrêmement curieux dont on n'apprendra que très peu même une fois le livre fermé à part qu'il est marié, qu'il a la quarantaine, a un chien et qu'il a l'âme vagabonde.
Car l'important dans ce manga, n'est pas de mettre en lumière une histoire ou encore des personnages, mais de mettre en scène des moments de vie fugace afin de nous inviter à les saisir.
Les histoires nous mèneront d'abord vers un homme observant les oiseaux, jusqu'à une visite d'un onsen suite à une journée pluvieuse transformant un événement négatif en une opportunité de se faire plaisir à un voyage pour remettre un objet dans son environnement naturel.
Notre héros du quotidien se balade, observe et s'émerveille en profitant de chaque moment, indépendamment de ce que l'on pourrait penser de lui !
Sa démarche n'est pas sans rappeler un enfant, qui découvre le monde et qui s'émerveille de rien. Il saisit le bonheur dans le quotidien, il magnifie des rencontres banales de prime abord en écoutant ses envies.
Ce manga fut pour moi, une véritable claque ! Au bout de quelques chapitres, je savais que j'étais en train de lire quelque chose de grand.
Je me suis trouvé de nombreuses fois emportées par l'émotion de moment anodin mais tellement juste, que ça donnait au manga une aura toute particulière.
Du côté graphique, Taniguchi nous offre à son habitude un découpage très séquencé, parsemé à ma grande surprise de quelques pleines pages, très puissante servant à amplifier le moment présent.
Dans ce manga, Jiro Taniguchi utilise très peu de dialogues ou d'onomatopées pour renforcer l'immersion avec le personnage qui se concentre sur le moment présent ainsi que pour ne laisser quoi que ce soit détacher le lecteur du moment.
Sinon nous avons là, un des traits les plus clairs et le plus abouti de l'auteur, juste après un cultissime Quartier Lointain, Taniguchi est au sommet de son art, cela s'observe rien que par ses cadres fourmillant de détails pour nous forcer à prendre le temps de contempler les cases, et avec des angles de vue diversifiés pour jouer sur le fait qu'un observateur est à son tour observé. Et les années ne feront que perfectionner dans certains autres secteurs le talent de Taniguchi.
Pour conclure, les mots ne pourront pas suffisamment bien traduire ce qu'est L'Homme qui Marche mais sa lecture si, alors je ne que vous conseiller de le lire !
Je conseillerais avec cette lecture:
Le Gourmet Solitaire: comme l'homme qui Marche, Le Gourmet Solitaire part d'un postulat simple, pour nous offrir un spectacle dans la gastronomie concocté avec le scénariste Masayuki Kusumi.
Quartier Lointain: Je ne donnerais pas d'explication qui pourrait spoiler, il faut le lire !
Après pour une troisième recommandation, Taniguchi est bien le seul à pouvoir nous donner une oeuvre pareille mais dans le même genre : les Slice Of Life, je conseillerais Undercurrent de Tetsuya Toyoda qui à lui aussi un côté contemplatif (bien qu'il ne soit pas concentré dessus mais plutôt sur l'aspect dramatique)