Visiblement, cette BD était précurtrice à Lanfeust de Troy... et on peut dire que c'est heureux !
De nombreux défauts, qui heureusement ne seront pas présents dans Lanfeust, et permettent de déterminer ce qui fait, ou non, une bonne BD d'héroic fantasy :
- Le personnage principal. Si Lanfeust n'est pas spécialement abouti (le paysan naif qui sort de sa campagne, plutôt passif en général dans le déroulement de la quête, un peu bête parfois) là; l'héroine... Hé bien, il suffit de regarder les couvertures des 3 tomes composant la série, ou même les premières images ou elle est représentée pour déterminer son "rôle" : un faire valoir, un corps... souvent dénudé, provocant. Maniant le fouet, ayant conscience de son charme, agile, souple... et... et...? ben pas grand chose d'autre. J'y vois un fantasme de l'auteur... et uniquement ça. L'héroine n'a pas vraiment de personnalité, l'occasion de briller, est sans cesse ramenée à la sexualisation et sa fonction de danseuse, de faire tomber les machoires des mecs (qui au final sont assez maltraités par l'auteur là aussi). Bref, dès qu'on a tendance à l'oublier, c'est comme si l'auteur nous y ramenait constamment : "hé mon héroine elle est bonne hein ? regarde, elle a des seins, elle se cambre, elle est sexy... elle est bonne hein, elle est bonne ?" Alors, je n'ai rien contre un peu de sexe, quelques scènes de cul. Le problème est que ça ne doit pas DEFINIR un personnage... là, on arrive même à des incohérences monstres, genre la nana se ballade toujours en petite tenue, même sur un bateau, sous la tempête (ça va, pas trop froid sinon ?) juste pour satisfaire les fantasmes de l'auteur... et de ses lecteurs. En fait, on a juste l'impression qu'elle sert à ça : nous donner un rôle de voyeur et permettre à l'auteur de se faire plaisir. Non, vraiment, non.
Les personnages secondaires : Là ou Lanfeust réussi haut la main en nous proposant des personnages en apparence assez clichés (le sage, la blonde douce et tendre et la brune chipie, le troll brutal et agressif) au final, on se rend compte que les personnages sont plus riches que ça. Le sage, Nicolède, est paternaliste, parfois drôle (quand on se rend compte que les chorégraphies lors des enchantements sont complètement inutiles mais qu'il aime juste s'éclater) et bien CA se sont des détails drôles, mais qui donnent un réel relief au personnage. La belle Cixi, provocante, qui fini par déserter son groupe pour rejoindre l'ennemi... mais organiser la résistance. La blonde C'ian, amoureuse de Lanfeust, qui fini par "le trahir" mais pas dénuée de force non plus. Bien sûr ces 2 personnages féminins sont sexualisés : cependant, elles ne sont pas QUE ça. Et il est assez rare d'avoir 2 personnages féminins (soeurs) qui ne sont pas que dans une relation de rivalité pour un homme, pour que ce soit noté (et applaudi). Le troll... reste un troll. Mais bon !
Le rapport à la culture : Dans Lanfeust, le conservatoire est clairement associé à la politique : des personnages opportunistes, feignants, avides de pouvoir, libidineux... mais attachés à leurs livres, et ayant quand même une soif de savoir. Le monde n'est pas complètement pourri, comme le montre le très attachant Lignole, gâteux en apparence, mais rusé et généreux. Bref, ici, la magie est associée au savoir et à la culture... et est utilisée pour des instincts destructeurs et conquérants, ou bien pour le progrès de l'humanité. Très ingénieux. Dans les feux d'Askel... le personnage de Keresquin de Villoque, représentant de la culture, est tourné en dérision, voire pire : est complètement inutile, un ressort comique (pas très drôle d'ailleurs) dans l'aventure... on ne sait pas trop pourquoi. Vu le caractère des autres personnages, il aurait dû être balancé par dessus bord dès le début... Ici, nul besoin de culture, et le personnage qui la représente est vu comme chiant, chétif, ralentissant même les objectifs des personnages principaux. A quand un personnage cultivé et réellement fort, physiquement ?
La violence : La violence est présente dans Lanfeust de Troy. Torture, violence physique comme psychologique... Cependant, l'exagération, ou sa nécessité, désamorcent un peu le côté dramatique. Dans les feux d'Askell, elle est gratuite, voir pire : glorifiée. Qu'elle vienne des ennemis... ou des "héros". J'ai eu l'impression que l'auteur prenait son pied lors de la scène du viol dans le bateau, ça m'a profondément dérangé. On a du mal à adhérer aux personnages principaux, qui sont cruels, et parfois, guère mieux que leurs ennemis... Alors pas de problèmes a brouiller la frontière du bien et du mal : sauf que là, on a l'impression, pareil, d'une complaisance pour la violence gratuite, et que ce n'est pas forcément remarqué par l'auteur. Et pour une bd éditée chez soleil (qui normalement vise un public enfant/adolescent/jeune adulte, non ?) et bien, ça me gène, profondément. Le seul personnage attachant au final est Tittle, qui se démarque par son intelligence.
Bref : Les feux d'Askell était peut être une bd test, mais les nombreux défauts que je lui trouve ne sont pas des défauts "en soi" : ils le sont parce qu'ils résument la BD à défaut d'autre chose. Je ne suis pas puritain, le sexe et la violence ne me dérangent pas... tant qu'ils ne résument pas une histoire, ou des personnages, et viennent logiquement dans le récit, et pas en tant que prétexte pour étancher la soif de seins et de fesses des lecteurs (et lectrices, mais on sent quand même le public visé)... ici, c'est presque imposé, quitte à saper la cohérence du récit.
Ah et aussi : pas mal de fautes d'orthographe dans la BD. C'est un détail, n'empêche, quand le tout est déjà bancal, ça n'arrange rien...
Bref, je ne recommande pas spécialement cette BD (même si l'héroine est bonne, quand même)
PS : la seule critique négative de la série, vraiment ? j'ai du mal à le croire...