J’avais commencé ce gros livre - grosse pub, et en rayon chez mon libraire qui a souvent bon goût.
J'ai eu beaucoup de mal à m'y accrocher, pestant plusieurs fois contre les choix stylistiques et, probablement, l'inadéquation entre la publicité qui lui était faite et ce que je ressentais comme autant de désagréables insuffisances de l’œuvre.
Les dialogues m'en ont trop souvent paru artificiels, chargés qu'ils sont de rendre explicite ce que les protagonistes, dans leur contexte, n’auraient pas pris la peine d’échanger, voire n’auraient culturellement ou psychologiquement pas dû, ni même pu exprimer : autant de micro-conversations que je ressentais comme fort peu réalistes entre acteurs pour rendre concret au lecteur des faits sociologiques ou biographiques difficiles à représenter (luttes ordinaires entre savants, entre savants et militaires, etc.). Cette adresse au lecteur, je l'aurais comprise et sans doute embrassée, si le dessin avait reflété, par exemple dans l'épure ou la caricature, le parti-pris pédagogique. Mais superposé à une option réaliste de la reconstitution, cela avait tendance à me rendre idiots les protagonistes et la narration.
Et puis la science. J'ai failli exploser en vol lorsque p.42, Szilard se désespère de ne pouvoir observer de signal des neutrons sur son oscilloscope, lorsque son assistant se rend compte en mode quasi comique que la prise de l'appareil était débranchée. Alors les neutrons apparaissent. Sur l’oscilloscope. Comme des traits "d’énergie" parallèles parcourant le cadran de bas en haut. Autant de choses qui me paraissaient relever d'une scène comique, mal renseignée qui plus est (des particules neutres ne peuvent laisser une trace sur un oscilloscope, un oscillo, ça va de gauche à droite, etc.). Bon. J'étais mal renseigné, et les auteurs bien mieux que moi. Rectification me fut faite par un des scénaristes du livre, que je remercie en passant du temps passé sur une critique défavorable et à l'origine bien plus déplaisante encore que celle qu'on lit désormais - on la trouvera dans les commentaires ci-dessous. Je crois que m'a manqué tout un appareil de notes, qui m'aurait pour le coup rendu la lecture plus intéressante, notamment en désamorçant mon départ en live sur cet oscillo qui m'a tant troublé. Mais je ne pense pas qu'éditorialement, le projet eut supporté autant de pages de notes que de planches :D - ce qui est en un sens fort dommage à mon goût.
Tout cela en tout cas entrecoupé par la grande prosopopée de la bombe elle-même, chargée de nous raconter l’histoire en la doublant d'une psychologie que je trouve approximative et de mythopoièses à mon goût assez fade.
Du coup, j'ai eu tant de mal avec l'écriture que je me suis d'abord arrêté net à la page130 sur 462, avec l'envie de me défaire du livre - il trouverait certainement un vrai lecteur, je n'étais probablement pas celui qui lui convenait, ou je n'étais juste là pas d'humeur à y trouver mon chemin. C'était franchement dommage, parce que le travail de documentation semblait réel et très fouillé - mais la construction des personnages, certains partis-pris diégétiques, la lourdeur de la contextualisation historique, et la difficulté que j'avais à entrer tant dans son humour que dans ses artifices de vulgarisation grevaient ma lecture de trop d'agacement.
Après une invitation des commentaires à fouiller plus loin dans l’ouvrage, je confirmais malgré tout mon avis premier : gros, gros et passionnant travail de recherche mais une exécution qui me hérisse suffisamment pour ne pas pouvoir relever ma note ni modifier un avis qui s’est affermi à toutes les pages. En passant, j’ai tout de même édité les passages les plus « à chaud » de cette critique, puisqu’à chaud, elle ne l’est plus.
P.-S. : Édition que je poursuis près de trois mois plus tard après une nouvelle intervention bienvenue dans les commentaires, pour d'une part y compléter la chronique, parfois faite sur la base d'informations erronées, et d'autre part en ôter les vivacités d'une expression que je n'assume plus comme telle, n'ayant sur le fond au demeurant pas changé d'avis. On trouvera en commentaire la chronique après sa première révision, à des fins d'archive et pour comprendre la teneur de certains des avis qui lui ont été opposés.