(Re)commencement
Nous y voilà donc, le relaunch de Batman. Tout d'abord, pari réussi: connaisseurs comme néophytes peuvent se lancer dans la lecture avec un égal plaisir: Scott Snyder a l'intelligence de ne pas...
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le 11 juin 2012
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Nous y voilà donc, le relaunch de Batman.
Tout d'abord, pari réussi: connaisseurs comme néophytes peuvent se lancer dans la lecture avec un égal plaisir: Scott Snyder a l'intelligence de ne pas surcharger son histoire avec les innombrables personnages qui jalonnent l'univers de la chauve-souris. A contre-courant d'un Jeph Loeb (Un long Halloween, Silence,...) qui a assez souvent recyclé la galerie quasi-intégrale des ennemis et des alliés du Chevalier Noir, Snyder distille leurs apparitions en les plaçant dans un contexte qui parvient à faire comprendre presque instantanément au lecteur novice devant qui il se trouve. Même si, pour être tout à fait franc, une rapide révision de l'Age moderne de Batman ne sera pas superflue: "La Cour des Hiboux" n'est pas un reboot et garde donc de nombreux éléments de l'ancienne continuité.
Ce qui m'a fait immédiatement tiquer, je dois dire, est l'apparente jeunesse de Bruce Wayne qui semble à peine avoir dans les trente ans alors qu'il est entouré, à un certain moment, de trois garçons qui ont été/sont Robin. Si le rajeunissement du héros est tout à fait légitime dans le cadre d'un relaunch, le souvenir sauvegardé de toutes ses aventures ne peut appartenir, en toute logique, qu'à un quadragénaire bien avancé. Cette incohérence voulue par l'éditeur DC Comics ne fait que confirmer mon doute quant au manque de maitrise factuelle de ce nouvel âge... Mais revenons à l'oeuvre qui nous occupe.
Comme je l'ai sous-entendu au début de cette critique, l'auteur a eu la très bonne idée de se concentrer sur Batman/ Bruce Wayne et se permet ainsi de remettre en question la plupart des certitudes de ce dernier. L'ambiance est oppressante, l'intrigue est tendue comme un string et, surtout, le Caped Crusader est ébranlé tant physiquement que psychologiquement, particulièrement durant le chapitre 5, aussi fascinant que troublant. Et quelle claque, cette audace dans la mise en scène ! Vraiment le meilleur moment de la lecture pour moi, une balade dans la folie comme je les affectionne !
Le ton général de l'histoire est à l'avenant, sombre et mature, avec des dialogues bien écrits et des flux de pensée truffés de réflexions intelligentes sur Gotham et le rôle de ceux qui la peuplent. Même l'ennemi affronté ici, entièrement inédit dans l'univers de Batman et que l'on pouvait croire assez artificiel, est étonnamment intéressant et crédible. Le dessin, enfin, est très plaisant, gracieux, et propose des décors détaillés et baignés de superbes lumières. Seuls les visages ont un véritable souci, puisqu'ils se ressemblent plus ou moins tous ! Ok, j'exagère, mais je vous jure qu'avec leurs cheveux noirs et leurs grands yeux de biche bleus, Bruce Wayne, Dick Grayson et Lincoln March (un politicien) sont presque aussi ressemblants que Riri, Fifi et Loulou !
Mais le vrai point noir de "La Cour des Hiboux" se situe autre part...: dans certaines incohérences qui se situent uniquement dans les scènes d'action. Tandis que les phases d'enquête et de dialogues restent irréprochables et nous plongent dans un thriller fantastique toujours crédible, les séquences de castagnes et de cascades contiennent souvent des éléments douteux voir carrément contradictoires avec le scénario ! Par exemple, dans le chapitre 2, durant une magnifique séquence où Bruce se retrouve en TRES mauvaise posture, ce dernier déclare ne pas pouvoir faire quelque chose qu'il exécute finalement quelques instants plus tard sans la moindre explication ! Je ne peux évidemment pas préciser pour éviter le spoiler, mais sachez que j'ai relu les pages concernées plusieurs fois pour être sûr que je n'avais pas loupé un truc. Hé ben, non, malheureusement. Cette inconstance est tellement flagrante qu'elle m'a, je l'avoue, gâché le plaisir pour la suite: en effet, j'ai bien compris que, s'il n'a pas mieux, Snyder est capable de résoudre une situation potentiellement mortelle par une pirouette injustifiée et même presque insultante pour ses lecteurs ! Et il ne se prive pas de le faire 4 ou 5 fois tout au long de cet opus, ce qui commence tout de même à faire beaucoup...
Malgré tout, le boulot général fourni est suffisamment riche (avec même un éclair de génie au chapitre 5) pour nous faire adhérer une fois de plus au meilleur des super-héros (mais si, c'est objectif). Comme l'album finit sur un cliffhanger qui ne trouvera sa résolution que dans le deuxième (et dernier) tome, je ne peux que difficilement mettre une note. Un 7 d'encouragement, finalement, comme pour pousser le scénariste à oublier les pirouettes ridicules et autre deus ex machina pour se concentrer sur le haut potentiel de cette Cour des Hiboux qui scrute Gotham...
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le 11 juin 2012
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