« Le Crépuscule des Idiots » était une BD intéressante et remarquablement bien dessinée, mais qui s’était voulait un peu trop démontrer son propos pour que l’on y adhère pleinement. La nouvelle sortie de Krassinsky m’a donc immédiatement fait de l’œil avec son dessin anthropomorphique des plus réussis. « La fin du monde en trinquant » présente un astronome russe qui, en 1773, s’aperçoit qu’une comète va s’écraser en plein Sibérie… Mais qui voudrait sauver les quelques personnes qui vivent là-bas ?
On sent que l’un des sujets de cette bande-dessinée est l’obscurantisme. L’astronome, Nikita Petrovich, est un érudit. Il n’a de cesse de se heurter à la bêtise des autres : antisémitisme, bureaucratie, monarques peu éclairés, noblesses dégénérées… Sans compter bien évidemment la Sibérie, lieu de tous les dangers. On se retrouve dans un monde où la chute d’une comète sur Terre est vue avec scepticisme et personne ne prend vraiment l’événement au sérieux.
Le début de l’ouvrage est centré autour de la lutte de Nikita vers une reconnaissance du danger. Condamné (difficile de le dire autrement…) à aller lui-même l’annoncer au village menacé, le livre prend une autre tournure. L’histoire se transforme en farce lorsque l’astronome et son acolyte stupide sont capturés par des brigands alcooliques, illettrés et violents. Ce sont pourtant ceux qu’ils venaient sauver…
Krassinsky prend finalement le même thème que son précédent ouvrage : la bêtise de l’humanité. Cependant, l’ouvrage n’est plus un ouvrage à thèse. Plus dans l’action, porté par des personnages hauts en couleurs, il y a plus qu’un message ou une critique derrière. Par petits bouts, il décrit également la Russie de l’époque, personne n’en sortant vraiment grandi…
Le dessin anthropomorphique de Krassinsky fait merveille dans cette farce. Les personnages sont très dynamiques et expressifs, parfaitement adaptés au propos. On ne peut s’empêcher de penser à la ferme des animaux lorsque l’on découvre la vie de village. L’aquarelle donne de belles ambiances aux planches, tant dans les châteaux que dans la forêt ou les fermes crasseuses. Il est à noter que l’auteur joue du choix animalier de ses personnages. Des clins d’œil réguliers créent une connivence avec le lecteur assez réussie. Ainsi, le personnage principal, un cochon, est juif. Ainsi, il dira « Je ne mange pas de porc ». Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
« La fin du monde en trinquant » est une bande-dessinée réussie sur une période assez peu traitée. On se dit qu’être un érudit à cette époque n’était pas une mince affaire… Doté de personnages forts et d’un dessin parfaitement en adéquation avec l’histoire, on ne peut que féliciter l’auteur pour son travail.