La Ride
6.8
La Ride

Roman graphique de Simon Boileau et Florent Pierre (2023)

La doublette de Belleville.La France en vélo&poivrots.Olive en cuissard. Le Protestant&Le Jouisseur?

"Tant qu'il y a de la batterie, il y a de l'espoir"
"Plus besoin d'appli, on est chez moi"...(même s'ils iront aussi dans l'espace comme Tom Cruise ou Fast&Furious, page 89)

On rencontre deux jeunes diplômés, amis de Bourgogne, qui travaillent à Paris, aux cheveux longs comme leur cv: l'un est pour l'instant excellent livreur de repas en vélo; l'autre est sur le point de commencer son métier rêvé en start-up (auquel j'ai rien compris: je me suis senti comme Denis Podalydés dans Les 2 Alfred).

Avant que 20 années se passent sans qu'ils les voient défiler, ils décident de faire un voyage en vélo. L'un est plus le catalyseur de l'autre, mais c'est l'accord du second, qui donne l'énergie au déclenchement du départ.

L'un est plus chercheur de record et de vitesse, un pragmatique décidé,

l'autre est plus nonchalant et jouisseur, un épicurien abusant.

L'un me semble se sentir méritocrate et pense s'être fait tout seul (page 80),

l'autre me semble plus reconnaissant du filet de sécurité et accueil (alcoolisé) qu'est une famille. Ce sera mini source de mini conflit temporaire que tous couples de copains ont connu. Ils font assez surfeurs mais en vélo, des sortes de Brice de Nice et Marius de Fréjus.

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Mes seuls reproches ou détails que j'ai moins appréciés sont les nombreux anglicismes, pas tous expliqués alors que soudain une note en bas de page en expliquera un et le sourcera...pourquoi lui et pas les autres citations et expressions?

(par exemple, le titre n'est pas la ride sur laquelle ils sont assis pour pédaler mais c'est le mot anglais, nom de bon groupe de noisy aussi: la ride, prononcé 'raïïde'...titre expliqué page 16).

L'autre détail pénible est la promotion constante de l'alcool, bon, c'est pour du bon vin Français, donc ça passe...culminant au détournement page 94:

"peu importe la destination, pourvu qu'on ait l'ivresse"...ils oublient que "boire ou conduire, il faut choisir" s'appliquent aussi aux cyclistes.

Et le dernier détail pénible est que je soupçonne une mini censure d'un passage anti-chasseurs: tout le 'film' se passe sans rencontre malheureuse avec des balles sifflantes au dessus de leur tête mais les deux très belles pages de résumé à la fin avec carte illustrée de leur parcours, montrent bien des chasseurs à fusils à un moment!

Et enfin, le lieu-commun sur la Bretagne est éculé et fait vieux cons alors qu'écrit par des jeunes: La Bretagne "trop de flotte"(sic; arf arf)

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Je les soupçonne de souffrir un peu de dysmorphophobie ...je ne leur reproche pas, puisqu'ado, convaincu que j'avais un oeil et oreille plus bas que l'autre, je m'étais fait un auto-portrait et il ressemblait à ...Sinok des Goonies.

Alors que c'était que dans ma tête et désormais, je vois sur ces photos du passé, un très beau jeune-homme disparu, vraie gravure de mode, bien plus beau que les crevettes Chalamet et Dedienne.

ici, on passe tout le parcours avec deux crevettes à long cheveux, longs nez à tête de femme de Popeye, Olive Oyl.

Mais sur leur photo, on voit deux beaux garçons qui se ressemblent comme frère, ou un couple! Et le quart de Brie qu'il est convaincu son gros nez est, se fond dans un visage qui le fait oublier totalement.

Très malin de dessiner deux tromblons pour surprendre en bien! Comme sortir faire la fête à côté d'un moche...leur BD est pour surprendre en bien.

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Leur rencontre avec de vrais cyclistes experts me rappelle les sketchs du Grand beau Blond tout parfait dans les sketchs 'de' Gad Elmaleh ou les rencontres avec les fourmis rouges dans Minuscule: ici, c'est un duel à la OK Corral (page 34; scène de western en village: cheveux longs contre coupe de militaires ou gardes-du-corp avec un plan Lucky Luke page 36 sur ses yeux).

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Le tout est bon-enfant mais en filigrane, de graves sujets sont abordés sans lourdeur mais efficacité: entre autres, les bas salaires, les auto-entrepreneurs harcelés par l'IA, exploités, sous payés et mis en danger, la sécheresse, les conséquences de l'industrialisation de l'agriculture, la bétonisation, le sens du travail et de la vie, la désertification des centre-villes(plus de magasins), les fermes sans jeune pour les reprendre, les bullshit jobs etc.

J'ai entre autres pensé à un 'Sorry we missed you' de Ken Loach en plus écolo et moins prolo. A la série Years and Years avec le diplômé qui devient livreur en VTT sous la coupe d'une ordure. Il y a eu plusieurs livreurs VTT épuisés au cinéma: Poelvoerde chez les Delepine/Kervern et un autre chez les Podalydés et un chez Bruno Dumont.

En 2004, le journal The Guardian m'apprenait que les livreurs à Londres étaient en fait payés 2 euros 50 de l'heure...j'ai alors su que 1789 arriverait encore.

Cette BD est un peu en retard sur ce sujets.

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Les trois vieux en Bourgogne qui se moquent de dos (page 78) de ces deux 'lopettes en cuissard'(à leurs yeux; pas leurs mots), m'ont rappelé les trois vieux à l'entrée d'un village dans un des épisodes d'Astérix (chez les Corse).

J'ai pensé à beaucoup de films, me disant que j'exagérais puis ils font eux-mêmes allusion à Mad Max...en associant ses véhicules aux mastodontes des machines agricoles pro FNSA...nées du "remembrement" (page 48).

Ils citeront/emprunteront sans sourcer: "Akuna Matata" (p93) ; la chanteuse Jennifer (page 60) qui côtoie même Charles de Gaulle (page 67) et du slogan de pub (page 88, 'toujours plus haut, toujours plus fort').

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Pour la forme, je ne saurais jugé comme je ne suis pas expert en BDs.

Je m'y remets.

Je n'ai pas encore repéré de codes et logiques couleurs comme j'avais réussi à en repérer chez Riad Sattouf.

Tout est très lisible et clair; rien n'est trop surréaliste (sauf le vélo devenant fusée de Musk page 88...où la lune se clone en chrono!). Un pied sur pédale en pleine accélération de vitesse devient fulguropoing page 36...puis on croise d'ailleurs les gros sourcils du pilote de Goldorak la page suivante.

Les bulles et mots sont lisibles (ça parait l'évidence, mais ce n'est pas toujours le cas).

J'ai aimé le montage des scènes et par exemple le passage de regards à soudain un grand plan, façon western de Sergio Leone.

Mes plans favoris sont ceux vus de haut et ils sont rares: le premier est je crois page 67(sur route)/p68(à travers feuilles).

Et l'idée du reflet dans les vitres d'un abris-bus devenant miroirs vers le futur, est géniale: ils voient leur double au travail! (page23).

J'ai préféré les bulles silencieuses, sans dialogues et à partir de la page 33(quand ils sortent de la ville et commencent enfin la nature).

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Je ne connaissais pas le Haut Folin ("point culminant du massif du Morvan")

Et encore moins le Mont Beuvray ("qui culmine à 821 mètres dans le massif du Morvan, en Bourgogne-Franche-Comté"),

mais leurs jambes à eux s'en souviendront...

Près d'Etang-sur-Arroux.

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J'aime quand ils rencontrent un vrai Français solidaire, un vieux fermier indépendant et bricoleur qui leur sauve la mise: Saint Christian.

Ils rencontrent aussi un patron de camping qui les reçoit tout nu sous son peignoir...me rappelant DSK aux Guignols de l'info (page 43).

Pas de dopage (sauf au vin?) mais juste une très marrante overdose de pains au chocolats bien mérités...

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Mais le mini détail et dialogue qui m'a le plus amusé , moi qui déteste les bande-annonces de films et même en connaître les génériques, c'est quand le plus maniaque et intégriste des deux copains, refuse même de consulter les "sites" de prévisions:

La météo!?...c'est du spoil!" (...c'est perso comme ça que je me suis retrouvé dans le noir, trempé, entre Sète et Vias, une année...surpris par la nuit!^^)


(Oeuvre reçue et lue dans le cadre du Quinzième Prix du livre du Témoignage et 'En Chemin' 2023, par Bayard Presse).

Créée

le 25 juil. 2023

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