J’avais découvert Jérémie Moreau avec « Le Singe d’Hartlepool » sur un scénario de Wilfrid Lupano. L’auteur s’était alors ensuite lancé en solo et je n’avais pas eu l’occasion de retomber sur un de ses bouquins. Avec « La Saga de Grimr », pavé de plus de 200 pages, je renoue avec cet auteur. La couverture nous montre un jeune homme face aux paysages islandais. Le tout est publié chez Delcourt.
Grimr est encore petit lorsqu’il survit à une éruption. Pas ses parents. Il est recueilli par des esclavagistes, puis par Vigmar, un voleur baratineur qui va l’éduquer. Grimr va devenir fort comme un ours, aux cheveux rouges de feu. Mais la vie en Islande au XVIIIème siècle est terrible.
Dès le titre de l’ouvrage et son introduction, on comprend que l’enjeu de l’histoire est la saga. Grimr va accomplir des hauts faits, mais lesquels ? Marginalisé, hors-la-loi, on a du mal à croire qu’il puisse un jour être le héros d’une saga. Pire, les gens le prennent plutôt pour un monstre et c’est celui qui l’abattrait qui mériterait une saga…
« La Saga de Grimr » fait partie de ces livres forts, personnels et originaux et on comprend aisément les louanges qu’il a obtenu à sa sortie. Certes, l’ouvrage est long, dur, au traitement graphique particulier, mais c’est ce qui en fait la force. Car on ne sait pas vraiment au début où l’on va. On suit Grimr, il grandit. Puis, les événements s’accumulent peu à peu et leur force émotionnelle progresse en même temps. Ce héros créé par Moreau est à la fois attachant et pourtant si rustre. Il est violent et vit par vengeance. Mais sa souffrance est universelle.
L’autre point fort de ce livre est l’Islande. Moreau choisit un univers pas si exploité que ça. Famine, volcan, misère, domination danoise, croyances locales… Cela donne une couleur particulière à l’ouvrage. Ne serait-ce que le principe de la saga, qui aurait selon l’un de personnages, disparu – et avec lequel il faudrait renouer – fait écho à cette île. Elle est au centre, un personnage en tant que telle, connectée dans la chair de Grimr, lui qui a survécu à une éruption. Son premier haut fait ? Le plus glorieux ?
Au niveau des graphismes, j’ai eu du mal sur les premières pages de l’ouvrage avant de me laisser séduire. Jérémie Moreau propose des traitements différents notamment des personnages et des paysages. Les couleurs sont souvent ternes et grisâtres (sauf dans les intérieurs), montrant combien cette terre est nue. Les expressions sont parfaitement rendues et les cases percutantes sont légion. Du beau travail de composition, où l’auteur sait ménager des planches muettes pleine de sens et de respiration.
« La Saga de Grimr » est un bel ouvrage. S’il n’est pas parfait, il possède une personnalité marquée qui reflète le talent de l’auteur, tant dans son scénario que dans son dessin. À lire !