Will Eisner est sans conteste l’un des plus grands auteurs de bande-dessinée qui ait existé. Et pourtant, je n’avais encore rien lu de lui. Au détour d’un rayon de ma bibliothèque, voilà que je tombe sur « La valse des alliances ». Ni une, ni deux, voilà que je m’empare de l’ouvrage. Bien que j’eusse préféré commencer par sa série culte, « The Spirit », cela était l’occasion de commencer à découvrir un auteur tant reconnu, qu’il porte un nom de récompense bédéistique !

« La valse des alliances » est un one-shot de 168 pages narrant l’histoire de la famille Arnheim. Comme le titre de l’ouvrage l’indique, cette famille va constituer de nombreuses alliances à partir de mariages afin d’accroître son pouvoir, qu’il soit financier ou d’influence. Le tout démarre donc sur la vague d’immigrations des familles juives allemandes au XIXème siècle et se poursuit jusqu’à une partie du XXème. A chaque génération, le but est de bien marier les enfants afin de faire grossir l’empire (ou de le restaurer). Car la famille Arnheim s’est créé un nom en Amérique qu’elle entend bien continuer à faire fructifier.

Il faut être juif soi-même pour écrire un ouvrage pareil. Car pendant 160 pages, on a droit à des juifs parlant argent en permanence. Ces derniers sont eux-mêmes classés selon différents critères. Ainsi, les juifs polonais sont pauvres et peu éduqués. Et donc, pas question de les aider ! Ce n’est pas comme les juifs allemands. Arrivés pauvres, ils ont su s’enrichir. Bienvenue donc dans des familles fortunées : banquiers, industriels, financiers… Evidemment, tous ces mariages arrangés amènent également leurs psychodrames familiaux et c’est ce qui fait l’essence de l’ouvrage.

Les sagas sur plusieurs générations ont toujours l’intérêt de permettre de suivre une histoire sur de longues décennies. « La valse des alliances » ne déroge pas à la règle. Will Eisner construit des personnages souvent antipathiques. Sans surprise, après des années d’or, c’est la dégénérescence de la famille qui commence à se montrer… Cependant, à la fin de l’ouvrage, on est content de refermer le livre. Car si tout cela est bien mené, la mécanique devient forcément un peu routinière.

Concernant le dessin, j’ai été pleinement séduit par le trait de Will Eisner. Son noir et blanc est magnifique et les personnages, très expressifs, donnent toute la force nécessaire au propos. Le manque d’action du livre est compensé par un découpage inventif et dynamique. Et quand l’émotion doit être au rendez-vous, Eisner sait composer des images fortes. Du beau travail, surtout quand on pense que le livre n’est composé quasiment que de personnes discutant entre eux. C’est là toute la maestria de l’auteur : de rendre le tout beaucoup plus dynamique que ça ne devrait l’être !

Au final, cette « Valse des alliances » fut une entrée en matière convaincante dans le monde de Will Eisner. Cela m’a donné envie de m’intéresser de plus près à son œuvre. Cependant, pour pleinement apprécier l’ouvrage, je l’ai lu en plusieurs fois, ce qui m’a permis de casser ce côté routinier (qui n’existait d’ailleurs pas forcément dans la publication originale).
belzaran
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le 9 mai 2013

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