Quand Lucky Luke visite le Far West des courants d’air et joue les baby-sitters pour deux arnaqueurs

Avec La Ville fantôme (1965), René Goscinny et Morris plongent Lucky Luke dans une aventure en mode huis clos poussiéreux, où le Far West devient aussi inquiétant qu’hilarant. Entre ruines qui grincent, cow-boys malhonnêtes et une ambiance de western vintage, cet album mélange mystère et comédie avec un charme indéniable.


L’histoire commence lorsque Lucky Luke croise deux escrocs notoires, Denver Miles et Colorado Bill, décidés à tirer profit d’une mine abandonnée située dans une ville désertée. Mais la tâche n’est pas si simple : entre les illusions de fortune, la tension qui monte entre les deux compères, et Lucky Luke qui garde un œil attentif, cette aventure vire rapidement au vaudeville poussiéreux.


Denver Miles et Colorado Bill sont les véritables stars de cet album. Leur dynamique, entre chamailleries incessantes et trahisons à peine voilées, est un régal comique. Ils incarnent à la perfection l’esprit du Far West à l’ancienne : opportunistes, mais un peu trop idiots pour que leurs plans fonctionnent vraiment. Leur descente dans la paranoïa et la discorde ajoute une couche d’humour qui contraste avec le calme stoïque de Lucky Luke.


Lucky Luke, fidèle à lui-même, traverse l’histoire avec son habituel mélange de sérénité et de sagacité. Ici, il joue davantage le rôle de spectateur et d’arbitre, laissant les deux escrocs se débattre dans leurs propres filets. Son rôle plus discret n’enlève rien à son charisme : chaque intervention de Luke est une leçon de maîtrise et de subtilité.


Visuellement, Morris excelle dans la représentation de la ville fantôme. Les bâtiments délabrés, les planchers qui craquent, et les squelettes de décor plantent une ambiance aussi immersive que comique. Les détails fourmillent, et les expressions des personnages – notamment les visages souvent grotesques de Denver Miles et Colorado Bill – amplifient les situations absurdes.


Narrativement, La Ville fantôme repose sur une intrigue simple mais efficace. L’absence de grandes scènes d’action ou de courses-poursuites pourrait décevoir certains fans, mais le charme de l’album réside dans ses dialogues et son atmosphère unique. Goscinny s’amuse à jouer avec les clichés du western tout en les détournant avec finesse.


Le seul bémol est peut-être le rythme légèrement répétitif : les disputes et les retournements entre Denver et Colorado finissent par tourner en boucle. Mais ces moments sont contrebalancés par des dialogues ciselés et des gags bien sentis, qui maintiennent l’intérêt tout au long de l’histoire.


En résumé, La Ville fantôme est une aventure atypique de Lucky Luke, où l’humour et l’atmosphère prennent le pas sur l’action traditionnelle. Avec des personnages secondaires mémorables, des décors immersifs, et un ton résolument léger, cet album montre que même dans une ville déserte, le rire et la satire trouvent toujours un toit. Un western à huis clos où l’on rit des illusions de richesse… et où le vrai trésor, c’est le génie de Goscinny et Morris.

CinephageAiguise
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le 20 déc. 2024

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