La Zizanie - Astérix, tome 15 par Kowalski
Qu'est-ce qu'il m'a marqué cet album, enfant! Tout d'abord parce que c'est l'une des premières bd que j'ai possédé. Puis pour cette couverture avec cette petite boule de pus de Detritus se frottant les mains avec son air de hyène euphorique entre Asterix et Obelix qui.........s'engueulent sévère!!!!! D'ailleurs tout n'est que conflit sur cette couverture ou le vert domine! Mais mince, comment les deux meilleurs amis du monde peuvent-ils en arriver là? Si c'est pas vendeur tout cela....
Je me rappelais donc de ce Detritus, un des plus maléfiques méchants du 9ème art, avec ses bras qui pendent jusqu'au sol. Les bulles remplies de vert (très original, ça!) lorsque les protagonistes s'énervent... J'ai longtemps eu en tête, aussi, cette vue d'ensemble du village occupant toute la planche, village attaqué par les 4 camps romains....
Puis j'ai grandi (si, si, je vous assure) et j'ai appris à considérer cette 15 ème aventure de notre duo gaulois pour ce qu'elle est! Un des meilleurs albums de la série et une référence de la franco-belge! Uderzo maîtrise parfaitement son coup de crayon et excelle dans les expressions des visages (voire la tête des gaulois et d'Abraracourcix lorsque Detritus remet un vase à l'homme le plus important du village......Astérix!) comme dans les fameuses scènes de bagarres (et Mesdames ne s'en laissent pas compter devant cgez Ordralfabetix).... Puis le petit plaisir de voir Lino Ventura (Caius Aerobus) dans une aventure d'Astérix n'a pas de prix! Un dessinateur au top!
Et comme ce dessin est accompagné par le génie de Goscinny qui nous propose un de ses meilleurs scénarii, il n'y a plus qu'à foncer!
Ce qui distingue "La zizanie" des autres tomes, c'est la présence d'une ironie et d'un cynisme inhabituel... Certes, Goscinny s'amuse régulièrement à mettre en évidence les petits défauts des hommes à travers ses personnages et à suivre l'évolution de la société. Mais là, on sent une gravité qui, si elle est loin d'être pesante ou de prendre le pas sur l'humour, n'en est pas moins palpable!
Ici, les petits défauts ne sont pas si anodins que cela et n'ont rien d'amusant : on y parle jalousie, crise d'égo et rumeurs. On y voit comment il semble bien simple d'instaurer la méfiance dans une communauté! Et comment la confiance qui unit les protagonistes semblent peu solide. Détritus veut diviser pour mieux régner et cela marche!!!
Rarement un des ennemis de notre petit village n'aura été si prêt d'arriver à ses fins et jamais les habitants n'auront autant agacé le lecteur. Bein oui, comment éprouver de l'affection envers des personnages mettant en cause l'intégrité d' Astérix allant même jusqu'à l'accuser de trahison! L'homme est prompt à vite enterrer ce qu'il a adoré!
Le vert peut symboliser l'espoir, mais ici c'est la jalousie et l'envie qu'il représente!
La rumeur comme arme de guerre? Elle a souvent fait ses preuves....
Mais comment expliquer ce virage un peu plus pessimiste chez Goscinny?
Tout d'abord le contexte! Nous sortons à peine d'une période où jour après jour, la jeunesse française s'entraîne à battre le record du monde de lancer de pavé! La société hexagonale est divisée et tout le monde se méfie de tout le monde (or on retrouve un banquet pour fêter l'anniversaire d'Abraracourcix où personne ne parle et tout le monde s'épie....).
A cela s'ajoute une grande desillusion personnelle pour Goscinny qui doit faire face à son "procès"! A la tête du mythique "Pilote", ce défenseur des droits des auteurs se retrouve accusé à son tour par la jeune génération montante d'être à la botte des grands patrons de l'édition. Tout cela finira par s'applanir mais la confiance ne reviendra jamais totalement et rien ne sera plus jamais comme avant d'autant que Goscinny en gardera légitimement une certaine rancoeur et une blessure intime .. (Pour preuve, 2 ans après la sortie de "La Zizanie", Bretecher, Gotlib et Mandrika quitteront "Pilote" pour monter un nouveau magazine répondant au nom de ....."L'écho des savannes"). Une rancoeur qui semble encore l'imprégner lors de l'écriture de "La zizanie".
Voilà donc ce qui peut expliquer la teneur un peu plus pessimiste sur la nature humaine de cette aventure, qui, grâce au dessin et à ses textes si fins, drôles et subtiles, est pour moi un des meilleurs albums de ce duo adoré! Vivement conseillé donc!