Un excellent album de la saga va de paire avec un grand Lucky Luke dans l'histoire. On peut, par exemple, saluer sa stratégie géniale de se faire passer pour un méchant dans Billy the Kid, sa malice et l'émotion ressentie dans Ma Dalton ou encore sa noblesse dans Chasseur de primes.
Par contre, un grand Lucky Luke ne veut pas forcément dire grand album ; il lui assure néanmoins un intérêt particulier. C'est le cas du 20ème de cavalerie.
Car en effet, Lucky Luke a dans cet album une épaisseur rare : il est proche des représentants du gouvernement, des indiens cheyennes puis d'une certaine manière de la cavalerie. En plus, il sera une nouvelle fois réfléchi, entreprenant, méfiant, à l'écoute, respectueux. Bref, l'individu tout trouvé pour apaiser les esprits de tout le monde et retrouver le chemin de la paix.
Mais il ne sera pas aidé : Le colonel MacStraggle ne connait pas la diplomatie, les cheyennes sont prêts à respecter les traités mais pas de manière abusive (des bisons sont tués) et ils sont guidés par Flood, un traitre qui a la dent longue contre le 20ème de cavalerie.
Une critique intéressante du conformisme et de l'obéissance est à noter, pas étonnant que cet album sorte à la deuxième moitié des années 60 avec mai 68 qui pointe le bout de son nez.
Aussi, il est toujours très plaisant (et nécessaire) d'évoquer le sort des indiens au détour d'un album et le lien cavalerie - indiens sera approfondi quelques années plus tard dans Canyon Apache.
Pourquoi pas un chef d’œuvre alors ?
Tout d'abord, la caricature du blanchisseur chinois Ming Li Foo ou des indiens un peu arriérés ne sont pas aussi racistes que la représentation des noirs de la Nouvelle-Orléans dans En remontant le Mississippi mais gênent fortement.
Globalement, la droiture du colonel intrigue au début pour assez vite lasser, notamment concernant son fils. Pareil pour le gimmick sur les chapeaux troués.
Aussi, alors que la montée de la tension entre les camps est palpable et progressive, la fin est un peu trop vite bâclée, notamment avec un lapsus un peu grossier de Flood.
Enfin, Morris signe là un bel album, avec de belles scènes de nuits - notamment les repérages dans le camp indien et l'appel de renforts à Frontier Gulch - mais ce n'est clairement pas un très grand Morris, bien qu'étant dans son prime. Une couverture superbe avec cet orange pastel et une posture qui rappelle un album ancien, Phil Defer, avec une interaction pourtant bien différente.
Intéressant néanmoins de faire le parallèle avec les multiples références cinématographiques mises en exergue par Ugly dans sa critique.