Beaucoup avaient été surpris par la noirceur de deuxième tome de « Abélard ». La notion de diptyque prenait alors tout son sens, le départ en Amérique servant de bascule. Dans « Alvin », le voyage est aussi le point de bascule. Ce deuxième tome, intitulé « Le bal des monstres », achève donc cette deuxième histoire scénarisée par Régis Hautière et dessinée par Renaud Dillies. Le tout est publié chez Dargaud.


« Alvin » prend le chemin inverse de « Abélard ». Après la grisaille de New York, on part vers le soleil et les marais de Louisiane. On a l’impression de fermer la boucle avec ce livre. Gaston et Alvin, l’orphelin, se sont trouvé un nouveau compagnon en Jimmy. Ils voyagent jusqu’à Crapeville où ils doivent trouver la famille du petit. Mais Crapeville, c’est le Sud et la ségrégation.


Hautière et Dillies s’en donnent à cœur joie pour développer les thèmes qui leur sont chers : amitié, poésie, critique sociale, tolérance, musique… Les habitués du duo ne seront pas surpris par l’histoire. Les compagnons de galère, à force de se soutenir, finissent par s’apprécier. Et Gaston le bougon finira bien par avoir du mal à laisser le colérique Alvin seul.


Au travers de thèmes classiques, les auteurs instillent suffisamment d’absurde, d’humour et de poésie pour donner une coloration particulière à l’ouvrage. Le scénario, détricoté, est relativement simple et limpide. Mais c’est dans ses personnages que « Alvin » trouve son intérêt et sa force. Gaston est un personnage râleur, bougon qui n’hésite pas à crier sur Alvin (qui lui-même a un sacré caractère). Mais que d’empathie pour ces blessés de la vie !


Le dessin de Renaud Dillies est toujours aussi splendide. Ses animaux, très enfantins, sont sublimés par les hachures qui donnent beaucoup de matière et de dynamisme à l’ensemble. Il maîtrise parfaitement la narration et influe une bonne part de poésie à l’ouvrage. Ainsi, le dessinateur possède un trait parfaitement adapté à son scénario. Quant aux couleurs, elles sont magnifiques et ajoute encore de la poésie et de l’atmosphère aux planches. Une belle osmose entre scénariste, dessinateur et coloriste !


« Alvin » est finalement moins noir que « Abélard ». Il en est forcément moins puissant. Malgré tout, je n’ai pas pu empêcher de lâcher ma larme à la fin du livre, bouleversé par mon empathie pour Alvin et Gaston. Du grand art, pour une bande-dessinée au style très personnel.

belzaran
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le 4 mars 2016

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