Le château des ruisseaux par Le_bibliophage
Le Château des Ruisseaux est un album étrange et quelque peu déstabilisant, paru il y a deux ans dans la très bonne collection Aire Libre chez Dupuis. Déstabilisant, car tant dans la forme que dans le fond, les auteurs nous proposent un album qui se démarque fortement de la production BD classique.
Le récit est un docu-fiction, qui nous raconte l'histoire de Jean toxicomane qui essaie de décrocher de ses addictions. IL se rend pour cela au Chateau des Ruisseaux, un centre à la thérapie innovante, où le travail se fonde sur une abstinence totale et une entraide via une thérapie de groupe.
Le scénario suit donc l'histoire de Jean de son entrée jusqu'à sa sortie. L'auteur choisi des moments clefs de la thérapie pour nous montrer la prise de conscience du personnage, sa volonté de s'en sortir mais aussi ses doutes et faiblesses. Nous suivons en parallèle une poignée d'autres personnages. L'interaction avec eux pendant les thérapies de groupe influencera Jean dans son travail.
Nous avons à faire ici, à un récit à échelle humaine qui nous plonge dans le quotidien de toxicomanes. C'est volontairement réaliste et sans faux semblants. Cela peut donc sembler dérangeant, car en ne choisissant pas la voix de la fiction, le scénariste Vincent Bernière, nous livre un album un peu abrupt. Pour ma part j'ai été touché et intrigué : on comprend que c'est l'auteur qui se confie à nous, à travers le prisme de son personnage. Il faut avoir un certain courage pour se mettre ainsi à nu. En revanche, pour mener à bien son récit dans un nombre restreint de pages, l'auteur doit faire de nombreuses ellipses, quitte à nous frustrer un peu. J'aurais voulu en voir plus pour mieux appréhender l'évolution du personnage et le rapport au groupe.
A l'image de l'écriture, le dessin de Poincelet est réaliste. Cela me semble parfaitement assorti à ce type de récit plus ou moins autobiographique. C'est clairement un auteur sorti de la bande dessinée underground. Son style propose une approche sans fard ou trucage. Il ne recherche pas le beau mais simplement à représenter ce qu'il voit. Au vu du réalisme des détails et des corps, je pense qu'il travaille avec une importante documentation photographique.
J'ai cependant du mal à adhérer à son style, non pas à cause du dessin, mais plutôt de ses choix de mise en page, que je trouve hasardeux. Poincelet s'affranchit des contraintes dans la structure même des pages. Il n'y a pas de cases à proprement parler, mais plutôt un assemblage de vignettes. Ce n'est pas un problème en-soi, mais l'agencement des vignettes, ne favorise pas toujours la lisibilité.
Au final ,voilà un album qui manque un peu fluidité dans sa construction. C'est qui est dommage car cela contribue à le rendre peu accessible alors que c'est un album intéressant. Je le conseille donc plutôt aux lecteurs curieux de lire des œuvres différentes.