On comprend mieux le succès d'une série qui a maintes fois été dénaturée par la suite quand on en lit les meilleurs épisodes.
Oui je sais c'est super bateau comme phrase mais quand on compare la qualité d'un album comme celui-ci, et celle du "ciel lui tombe sur la tête", on se dit que le duo Goscinny-Uderzo a accouché d'oeuvres d'une qualité rare que l'on se doit de connaître, et de transmettre.
Le genre franco-belge atteint à mon sens une apogée en cette époque. L'on pense encore, en ces temps-là, "qu'en France on a pas de pétrole, mais on a des idées", phrase à laquelle je pense beaucoup quand je lis ce genre d'albums. C'est en effet la capacité de jugement, le sens critique (haha), la sagacité d'un esprit qui est ici mise à l'honneur, au travers d'une histoire de charlatanisme qui tourne mal. On représente le village des gaulois comme une communauté de crétins crédules, et où seuls deux esprits, l'un sage et l'autre malin (Panoramix et Astérix) doutent sans hésiter des pouvoir du devin.
Ne doit-on pas y voir un message ? Astérix, comme beaucoup d'autres saga, n'est-il pas un moyen de retouver une époque, son univers, ses références, ses modes et surtout ses problématiques ?
Je me suis toujours amusé à penser que si Astérix a connu un tel succès, au delà d'une irréprochable qualité, d'un ton léger et d'un dessin efficace, c'est aussi parce que son univers représente un peu une vision très flatteuse de la France ; celle de la Gaule, résistant toujours et encore à l'envahisseur, dans un village où il fait toujours beau, et où la solution à tous les problèmes se trouve dans une potion magique. Où les habitants sont pour la plupart des abrutis mais protégés par de braves héros et de sage esprits. Les caricatures plaisent et sont pertinentes sans être choquantes.
Un des points forts de cet album est justement d'arriver à mettre en exergue les défauts et faiblesses de l'habitant moyen du village (comprendre du français moyen), au travers des différents personnages comme Bonnemine, Cétautomatix, Agecanonix ou sa femme. Dès le début de l'intrigue, la supercherie du devin est soulignée par Astérix, qui est le seul à douter, tandis que les habitants ignorent la raison pour se vautrer dans la crédulité, car beaucoup plus attrayante.
On assiste donc à un pamphlet assez sévère sur la légitimité des "beaux parleurs", ceux qui travaillent d'avantage sur la mise en scène et la crédulité de leur public, et pour qui, finalement, les choses tournent assez mal, le tout au sein d'un album dont le pitch est compréhensible par un gamin de dix ans, saupoudré d'humour, de running gags, de calembours et de situations abracadabrantesques dont seul Goscinny a le secret (je dirai même le génie).
Une oeuvre que l'on devrait lire plus et plus souvent, à l'image de pas mal d'autres albums d'Astérix (de la période faste donc). Une caricature pertinente mais non provocatrice, servie de main de maître par un des plus grands duos de l'histoire de la BD franco-belge.
Chapeau, les artistes.
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