Ce Grand Duc n'est pas un grand cru

Après les excellents Ma Dalton et Chasseur de Primes, on pouvait s'attendre à un nouveau très bon Lucky Luke, or cet album est léger, dans tous les sens du terme.
Le Grand Duc Léonide, représentant personnel du Tsar, est chargé de signer un traité commercial avec les États-Unis mais avant cela il veut découvrir le vrai Far West, comme il le lit dans les romans de James Fenimore Cooper. Et donc tout voir : villes, bétail, prairies, bandits, indiens, prospecteurs...Lucky Luke est une nouvelle fois l'homme tout trouvé pour l'accompagner tout du long et assurer sa protection.

Le script est alléchant, d'autant qu'on comprend vite que Le Grand Duc et son associé/interprète Fedor Boulenkov détonnent dans ce contexte dont ils souhaitent davantage être acteurs que spectateurs. Lucky Luke va trouver toutes sortes de stratagèmes pour montrer un Ouest de carte postale et la plupart des idées sont ingénieuses notamment la dernière avec le simulacre de guerre indienne. Au rayon des autres rares réjouissances, des passages truculents sur la roulette russe ou encore les traductions alambiquées de Fedor. On peut aussi y voir une analogie aux touristes qui souhaitent vivre une expérience authentique construite par leur imaginaire mais que la réalité est parfois autre voire ne demande pas à être vécue. Enfin, les enfants apprécieront les attentats ratés occasionnant de grands bim bam boum et la linéarité du récit façon road-movie gentillet.

Une légèreté qui rend l'album finalement assez terne. L'intrigue est pauvre, les personnages sont relativement peu attachants (Le Grand Duc ne s'exprime qu'en grand cri et onomatopée, le "terroriste" est transparent), Lucky Luke est correct.
Il aurait été intéressant que les stratagèmes du cow-boy se retourne de temps à autre contre lui et mettent tout le monde en difficulté mais les planètes seront particulièrement trop alignées.
Enfin, pour laisser place à davantage d'action, les auteurs ont sensiblement baissé le nombre de cases dans l'album. En sont dénombrées 383 dans Le Grand Duc, contre 429 chez Calamity Jane par exemple. Forcément l’intrigue a moins de potentiel pour se complexifier.

Intéressant d'observer en couverture Laura la chanteuse de cabaret dans l'album, personnage féminin légèrement vêtu, qui affiche la liberté que s'octroient les auteurs une fois passé chez Dargaud.

Cette lecture peut néanmoins être complétée par le diptyque de Nury et Robin Mort au Tsar de 2015, qui s'attache aussi à retranscrire cette menace d'attentat envers le dirigeant soviétique. Dans un style plus adulte et érudit.