Il y a deux ans, nous avions quitté Spirou au sortir d’une aventure étonnante, au cours de laquelle il s’était démené seul face à une machine financière presque trop forte pour lui. Nous le retrouvons cette fois tranquillement chez lui, commentant l’actualité en compagnie de Fantasio. Le groom de Sniper Alley démarre en effet par une apparente bonne nouvelle.
C’est tout chaud : à la suite d’une guerre menée par les troupes occidentales, le dictateur de l’Aswana est tombé. L’événement a de nombreuses conséquences, dont l’arrivée impromptue de ce bon vieux Vito Cortizone chez notre duo de reporters. Vito, en bon maffieux New Yorkais, leur impose un chantage impliquant qu’ils lui ramènent un fabuleux trésor antique bien planqué en Aswana, désormais accessible suite à la fin de la guerre. Spirou et Fantasio n’ont évidemment pas le choix, ils enfilent leurs plus beaux costumes d’aventuriers et atterrissent au beau milieu d’un pays pas si pacifié que ça.
Pour cet album, Yoann et Vehlmann se sont tournés vers l’actualité géopolitique et l’ont passée à la moulinette d’une BD tout public. La situation de l’Aswana, territoire fictif que l’on devine situé au Moyen-Orient, évoque celle de l’Irak, de la Libye et de l’Afghanistan. Autant de pays dont les régimes ont été renversés suite à une intervention occidentale. A leur arrivée en Aswana, nos héros sont accueillis par des troupes franco-belges restées sur places pour gérer une situation chaotique à laquelle elles n’étaient pas préparées, même si la presse au pays se réjouit de leur glorieuse victoire. Comme la dernière décennie l’a suffisamment démontré, une fois la guerre finie commencent en effet les déconvenues de l’après-guerre : l’instabilité, les pillages, et rapidement la nostalgie de l’ancien régime dans le chef de certains. Tout cela est évoqué dans cet album, ce qui mérite d’être salué, car articuler tout ça en quarante-huit pages censées faire rire le lecteur et sans tomber dans le mauvais goût n’a pas dû être chose facile.
Sous le feu des balles, Spirou et Fantasio sont rapidement rejoints par une autre tête connue. Cette dernière et Vito ne sont d’ailleurs pas les seules vieilles connaissances que nous retrouvons dans ce Groom de Sniper Alley. En fait, l’album dégueule de fan service. Ils sont presque tous là. On se demande même comment certains tiennent encore debout, tellement ils évoquent un passé lointain. Ce serait presque trop, mais on ne peut pas s’empêcher de sourire en retrouvant tous ces personnages issus d’époques très différentes de la série. Quant à l’histoire elle-même, on peut regretter qu’elle manque globalement d’intensité. En fait, le lecteur n’a pas vraiment le temps de s’inquiéter pour ses héros, qui résolvent leurs problèmes de façon très expéditive. Malgré tout, l’humour de Vehlmann fait, lui, souvent mouche.
Le groom de Sniper Alley est en conclusion un album qui compense ses faiblesses par son rythme et son humour, tout en se permettant un propos pas évident vu le public visé. Il s’agit peut-être du meilleur épisode de Yoann et Vehlmann depuis le hors série Les géants pétrifiés, dont il reprend d’ailleurs certains thèmes mais malheureusement pas le style de dessin si caractéristique. Quant à l’avenir, l’acquisition de Marsu Productions par les Editions Dupuis ne peut que donner confiance, même si la pression sur les épaules des auteurs est plus forte que jamais.