Skronyonyo de merde, c'était si bon que ça ?
Dans ma relecture de la série d'Hergé, je crois m'être pris une grosse claque en lisant cet album. Comment avais-je pu ne pas l'aimer quand je l'avais lu dans ma jeunesse ? Comment avais-je pu garder un souvenir aussi mitigé et lui mettre une note aussi basse ?
Sûrement que la densité de l'histoire m'avait rebuté, et peut-être le caractère multi-ethnique trop prononcé pour me faire apprécier toutes les subtilités de l'album.
Les décors sont sublimes et remarquablement recherchés. Hergé s'est servi des récits de son ami Zhang Chongren ( c'est marrant mais après une décénie de relecture des Trois Royaumes, ce genre de noms ne me paraît même plus bizarre ) pour fonder une oeuvre d'un réalisme fantastique.
L'histoire est surprenante et sujette à de nombreux rebondissements, s'offrant même le luxe d'approfondir la relation liant Tintin et les Dupondt qui sont contraints peur leur obligation professionnelle à arrêter le jeune à la houpette. Bien sûr ils sont toujours aux premiers rangs quand il s'agit de faire le pitre ( non mais ce déguisement ... ) et l'album reste très drôle dans certains passages, tout en alternant avec le très sérieux pour évoquer les relations sino-japonaises, voire sino-occidentales.
Hergé fait d'ailleurs là un pied de nez magistral aux accusations de racisme qui le concernent. Ainsi, plutôt que de ridiculiser l'homme asiatique, il met en lumière les relations tendues que le peuple chinois entretient avec le peuple japonais, celui-ci usant de stratagèmes honteux pour légitimer une action armée dans l'Empire du Milieu. Si l'album reste assez manichéen, on se rend tout de même compte que personne n'est épargné : les japonais et leurs méthodes répugnantes, certains chinois peu recommandables ( la police chinoise qui se laisse facilement dicter des ordres par Mitsuhirato ) et les occidentaux qui n'ont pas leur pareil pour prendre les chinois de haut. A ce titre, le dialogue entre Tchang et Tintin sur la vision de l'homme chinois par l'occidental est à la fois très juste et très drôle, surtout à notre époque où nous avons les moyens médiatiques de nous informer au sujet du monde entier.
L'auteur a su également placer Milou à la place qui lui est dûe, à savoir un chien non personnifié qui n'a pas de raisonnement logique mais qui est fortement dévoué à son maître et reste le compagnon fidèle qu'on connaît, sans nous abreuver de ses commentaires inutiles des précédents albums.
L'on va de surprises en surprises avec un rythme défiant toute concurrence pour arriver aux scènes finales et à la révélation du véritable chef de l'organisation qui a du surprendre son monde, même si certains ont pu s'en douter avant par sa relative exposition tout au long de l'histoire, en comptant l'album précédent qui servait de prélude.
Si l'on ajoute à ce cocktail déjà savoureux des personnages secondaires attachants, utiles et drôles, on obtient clairement un chef d'oeuvre à classer dans les meilleurs albums de la série.