En dépit d'une publicité qui indique "série complète en 7 tomes", la première chose à savoir concernant cette série JLA c'est qu'elle tient davantage du recueil que du récit. Pour les coutumiers du catalogue d'Urban Comics, on pourrait d'ailleurs la considérer comme un titre de la série DC Signatures intitulé Grant Morrison & Mark Waid présentent : Justice League of America.
En effet les épisodes contenus dans ces volumes correspondent à toute la période Waid et Morrison sur la série JLA, une série initiée par ces derniers à la fin des années 90 avec pour but de revenir à une Justice League "classique" composée des grandes stars du catalogue DC : Superman, Batman, Wonder Woman, Flash, Green Lantern, Aquaman et le Martian Manhunter. Outre les numéros mensuels qui s'étendent sur 5 années de publication, cette édition française compte également plusieurs miniséries et crossovers, toujours écrits par les même auteurs. Au passage, le tome 0 correspond à un récit parallèle publié en 1998 qui se déroule chronologiquement 10 ans avant les événements du premier tome.
Ces éléments de forme pourraient n'être qu'un détail mais il est important de les avoir à l'esprit car ils auront un impact direct sur votre lecture.
En effet, durant les 5 ans que couvrent ce run, l'univers DC a été sujet à de nombreux events ayant des répercussions plus ou moins marquantes mais dont la série JLA se fait fatalement l'écho. C'est ainsi que certains membres subissent des changement radicaux sans que cela ne soit justifié dans la série. L'exemple le plus marquant est certainement Superman qui devient subitement bleu au cours des premiers tomes avant de reprendre sa forme habituelle quelques années plus tard (mais ce cas est loin d'être isolé).
Cela n'aurait pas été gênant si l'éditeur (français) avait pris le soin de guider son lectorat avec des notes explicatives régulières sur le contexte. Hélas ce travail éditorial, pourtant présent dans beaucoup d'ouvrages réalisés par Urban Comics est aux abonnés absents sur cette série.
Et même si je m'estime relativement calé sur l'univers DC, j'avoue que de nombreux épisodes m'ont été pénibles à lire tant j'avais l'impression qu'il me manquait des références. Cette frustration s'est avérée préjudiciable à l'immersion dans le récit car, lorsqu'elle se rajoute à des scénarios déjà complexes, le lecteur a clairement le sentiment que le livre qu'il a entre les mains ne se suffit pas à lui même.
Autre défaut de cette édition française : sur les tomes 1 à 3 Urban n'a pas chapitré les différents numéros qui constituent un même arc. Sans même parler du respect du format original, cette pratique d'un autre âge nuit là encore au lecteur qui se retrouve avec un rythme de lecture désynchronisé par rapport au rythme de l'écriture. On a ainsi des pages de cliffhanger qui s'enchainent avec des pages de rappel des faits. En outre, lorsque c'est Morrison qui est à l'écriture, avoir des "temps de pause" caractérisés par la fin d'un chapitre est plutôt salutaire pour le lecteur.
Le style des auteurs est le second aspect à avoir en tête lorsque l'on s'attaque à cette série. Aussi différents soient ils, Mark Waid et Grant Morrison ont pourtant deux points communs : ce sont des écrivains de talent qui maitrisent parfaitement l'univers DC. A mon sens c'est d'ailleurs là que réside le point fort de cette période de la JLA avec un traitement des personnages et de la dynamique d'équipe qui avoisine le sans faute.
Néanmoins leur différence de style reste flagrante dans les récits.
Mark Waid (tomes 0 ; 5 et 6) adopte une approche essentiellement "humaine". Ses histoires font la part belle aux ressentis des personnages et à leur développement personnel. Le récit "La Tour de Babel" en est d'ailleurs un très bel exemple car, outre les difficultés dans lesquelles se retrouvent chaque membre de la ligue, c'est d'abord un récit sur le travail d'équipe et la confiance que l'on peut placer dans ses partenaires. Se faisant, ses histoires comptent parmi celles qui ont le mieux vieillies aujourd'hui.
Grant Morrison (tomes 1 à 4) est quant à lui beaucoup plus porté sur l'épique et le spectaculaire. Ses histoires vont régulièrement piocher des menaces aux confins de l'univers tout en incluant des voyages dans le temps et des dimensions parallèles. Objectivement, force est de reconnaître qu'il maitrise ses récits, aussi démentiels soient ils. Néanmoins, sur ce dernier point, j'avoue que je suis assez vite arrivé à saturation. Même si je comprends qu'il faut des enjeux de taille pour la Justice League, avoir l'impression que c'est l'apocalypse interstellaire tous les 15 jours m'a quelque peu fait décrocher.
S'agissant des dessins, autant dire qu'il y a de tout même si, dans l'ensemble, beaucoup accusent leur époque. Mais au delà de la simple beauté, c'est surtout la mise en page qui est parfois difficile à suivre et demande souvent plusieurs essais pour comprendre le sens de la lecture.
En définitive, après deux lectures complètes de cette série, je dois bien admettre que je reste relativement déçu. Vu la réputation des auteurs je m'attendais à quelque chose d'exceptionnelle. Au final c'est juste un bon run qui demeure malgré tout très ancré dans sa décénnie.
Sans doute qu'avec un meilleur travail éditorial, de nombreux tomes auraient été moins pénibles à lire.
En l'état c'est une série que je ne recommande qu'aux fans les plus aguerris qui ne seront pas rebutés par le style de l'époque et la quantité d'informations non communiquées dans ces ouvrages.