Le Peintre hors la loi
6.9
Le Peintre hors la loi

BD franco-belge de Frantz Duchazeau (2021)

Peintre, révolutionnaire & bretteur hors pair

J’ai beaucoup entendu parler de Frantz Duchazeau sans n’avoir jamais rien lu de lui. Pourtant, son style graphique m’interpelait. Avec « Le peintre hors-la-loi », cet écueil est désormais mis de côté. Sorti quelques mois avant « Debout les morts », cet ouvrage de 90 pages s’intéresse à un peintre oublié, Lazare Bruandet, perdu dans les tourments de la Révolution. Le tout est publié chez Casterman.


L’ouvrage commence avec la décapitation de Louis XVI. Bruandet, qui a participé à la prise de la Bastille, est déjà désenchanté de la Révolution. Alors qu’il revient de chez sa maîtresse, il voit sa femme parler avec un homme. S’ensuit une dispute et la mort (plus ou moins accidentelle) de cette dernière. Pourchassé, Bruandet se réfugie dans la forêt et chez des moines pour échapper à la justice.


Cette histoire n’est pas réellement une biographie du peintre. En effet, la méconnaissance de son existence est telle que le tout peut être lu comme une fiction. Si, comme moi, vous avez les biopics en horreur, laissez-vous tenter. « Le peintre hors-la-loi » s’inspire davantage de séries comme « Isaac le Pirate » ou « Gus », tant dans le dessin que dans le propos.


Bruandet est un personnage des plus original. Peintre complètement obsédé par la nature, il est également un bretteur hors pair. Il en aura bien besoin. Pendant la Terreur, la campagne se révolte contre cette Révolution qui ne tient pas ses promesses. Entre militaires, milices, moines et petites gens, il survit par son art de l’épée. Son caractère taciturne et emporté, cumulé avec son penchant pour la boisson, en fait un être difficile à vivre, solitaire, obsédé par son art. En cela, Frantz Duchazeau en fait un personnage tragique formidable.


Au-delà du peintre, l’auteur retranscrit cette époque troublée avec soin, loin de Paris, auprès du peuple. C’est très réussi et original comme contexte (on peut penser à « Quatre-vingt-treize » de Hugo). Cela ajoute une tension permanente au récit. On se retrouve donc avec un peintre qui veut sublimer des paysages en forêt qui est dérangé par la milice qui aimerait lui couper la tête…


Difficile de ne pas parler du dessin magnifique proposé par Frantz Duchazeau. C’est splendide, expressif, maîtrisé de bout en bout. Difficile de ne pas voir l’influence de Christophe Blain, tant dans l’époque traitée que dans les personnages et le dynamisme de l’ensemble (même le rendu des décors). L’auteur garde cependant sa patte et force est de constater que le trait qu’il a adopté est parfait pour son récit. Les couleurs, insaturées, rendent bien l’idée que l’on se fait de cette époque troublée. Certains décors sont simplement splendides. Le tout est porté par une narration qui fait la part belle aux silences. Bref, une grande maîtrise de tous les aspects de la planche.


« Le peintre hors-la-loi » est un ouvrage maîtrisé. Doté d’un personnage fort et d’un contexte original, il évite l’écueil d’une simple biographie et crée un héros torturé, au regard fou. Un personnage de fiction qui nous embarque dans son aventure, picturale et révolutionnaire.

belzaran
8
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Créée

le 13 janv. 2022

Critique lue 20 fois

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belzaran

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