Le Phare par Nina in the rain
Francisco Guirado, caporal du 21ème bataillon de carabiniers. Ca, c'est une identité ronflante pour un gamin de 18 ans, perdu dans la guerre civile espagnole. Pourtant, le vieux gardien de phare à qui il la débite fièrement préfère le nommer Moby Dick, parce qu'il l'a sauvé des eaux. C'est toujours moins connoté que Moïse... D'un autre côté, ce gardien n'est pas classique. Il attend depuis le début de la guerre qu'on lui envoie une lampe pour son phare qui ne fonctionne plus. Et pendant ce temps, il construit un bateau pour rejoindre l'île de Laputa, où tous les hommes sont heureux. Elle n'est pas loin ! « En regardant avec attention, les jours dégagés, on peut [la] voir. »
En Espagne, Paco Roca n'est plus un débutant. Mais en France, on n'a guère vu passer que Le jeu lugubrechez Erko en 2002. Pas grand chose donc, pour un auteur qui possède un sens aigu de la narration... En quelques mots il place une ambiance, déroule une amitié. En cinquante planches, il décide d'un sacrifice. Ses personnages simples, calmes, évidents, traversent le scénario et l'esprit du lecteur, y laissant une trace d'amertume et de mélancolie avec, à la fin, une belle touche d'espoir, heureusement. Car le mensonge, l'illusion, habitent leur esprit. En Espagne, quoi de plus habituel que les châteaux de sable... Pour accompagner cette histoire forte, un dessin simple, presque trop parfois. Des visages esquissés d'un trait, et une bichromie de gris qui apporte un aspect onirique à cette bande dessinée douce et brutale, belle et sans concession.Un nouveau petit bijou d'outre-Pyrénées, et un auteur à guetter. Pour les plus chanceux, la lecture en espagnol est possible aux éditions Astiberri. Sinon, il ne reste qu'à prier pour que les traducteurs se penchent de très près sur l'oeuvre de Paco Roca.