David Sala parle de son enfance au milieu des années 70 et au début de la décennie suivante. Les copains, la musique, les discussions anarchistes de ses parents et le parcours de ses grands-pères qui, tous deux ont fui l'Espagne franquiste et se sont retrouvés dans des camps en France.
Ce fut ensuite, la Résistance pour l'un d'entre eux et la rencontre avec sa future femme suite à une évasion risquée et l'internement à Mathausen, pendant quatre ans pour l'autre.
Faire un album hommage aux grands-parents ou aux parents qui ont vécu les guerres est un exercice fréquent et qui peut être périlleux, parce que pas forcément original et donc souffrant des comparaisons. David Sala prend des options que j'aime beaucoup : celle de raconter à la fois la vie de ses grands-pères et son enfance et son adolescence, lorsque point la nécessité de sauvegarder ces histoires, de les transmettre ; il opte pour des couleurs en phase avec l'époque -pour qui a vécu dans ces années-là, les papiers-peints et couleurs des vêtements feront naître des souvenirs- et des cases fleuries et colorées vivement pour faire appel à l'imaginaire et "approcher les zones d'ombre et les failles à bonne distance" (note de l'éditeur). Le tout donne un ouvrage absolument pas pesant, même si certaines pages racontent l'horreur et sont dures.
C'est un travail formidable pour un album qui ne l'est pas moins, et pour pesante que soit la présence des deux grands-pères, elle n'empêche pas le jeune David d'avancer, de construire son projet. Dans l'exercice, je le disais plus haut, périlleux de l'album-hommage, David Sala s'en sort très aisément d'abord parce que les histoires de ses grands-pères sont fortes et utiles à rappeler "Le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête immonde" (Bertold Brecht, cité p.91) -surtout en ces moments où la parole de certains tend à minimiser les faits historiques voire à les transformer- et ensuite, parce qu'il ose l'originalité des couleurs et de la narration à travers ses yeux d'enfant et d'ado. Ce travail permet de se libérer ou de s'alléger du poids des héros.